Hamé et Ekoué, du collectif La Rumeur, proposent avec leur 1er film Les Derniers Parisiens, un voyage rythmé et ultra-réaliste au cœur du quartier de Pigalle à Paris.
On entre au cœur des Derniers Parisiens in medias res. En plein cœur de l’action parce que pour bien connaître les gens, comme le dit si bien Reda Kateb, « il faut passer du temps avec eux ». C’est tout le programme du film dont l’ambition est de nous offrir un petit bout de France, une histoire de générations. Ce petit bout de France, c’est Pigalle, peu à peu délaissé à regret par ceux qui l’ont peuplé autrefois. Le peuple a les poches trouées. On le prie de bien vouloir quitter Paris (d’où le titre du film). Deux générations font ce film : celle du personnage interprété par Slimane Dazi, décimée, et celle représentée par Nas (Reda Kateb) qui a vu les grands frères et les pères tomber. Génération sans repère dont sont issus les réalisateurs Hamé et Ekoué (Nas a 35 ans dans le film, les réalisateurs environ 40 ans). « La Rumeur » est leur collectif, un rap qu’ils traînent dans de nombreuses villes de France depuis les années 90. Cette énergie du texte se ressent dans les dialogues des Derniers parisiens. De punchlines en joutes oratoires, on se parle ici sans sentiment (ça ne veut pas dire qu’on ne les ressent pas). La galère est le ciment de l’action. Nas est de ceux qui refusent de baisser la tête face aux compromis d’intégration de la génération précédente.
Qu’un seul tienne et les autres suivront
Plus qu’une relation fratricide, Ekoué et Hamé racontent des gestes et des visages, bref des gens. Chaque second rôle trouve sa place et enrichit ce portait d’un Paris inhabituel au cinéma. Les réalisateurs sont dans l’arène, telle que l’était la caméra de Léa Fehner dans Les Ogres. D’ailleurs Léa, Ekoué et Hamé ont un atout en commun : l’organique et félin Reda Kateb qui magnétise la caméra. Ekoué et Hamé ne sont donc pas tel Romain Duris (dans le Paris de Klapish) qui regarde ses sujets parisiens de haut (depuis son balcon), mais des cinéastes humanistes qui vivent leur sujet, lui collent aux baskets sans relâche. Ils parviennent surtout à parler de marge, de banlieue, de rupture sans violence, et surtout au cœur de Paris. Un sacré tour de force, une écriture rythmée qui leur permet de construire un récit, une progression qui se passe d’explications psychologisantes à l’écran. Seule une scène qui réunit les deux frères sur la fin est un embryon brillant d’explication. Mais elle ne dure pas plus de 4 minutes. Les personnages ne se plaignent pas vraiment, ils avancent. Certes, ils font fi de la morale et tel un SDF, qui devient presque un fantôme, en tout cas un fil rouge, ils se débrouillent comme ils peuvent quitte à retourner à la case départ. C’est qu’ils veulent exister et qu’enfin le cinéma a le courage d’oser les filmer sans fard, sans idée préconçue. Et ça c’est déjà tout un art, en tout cas un manifeste qu’on est plus que prêts à soutenir en allant dans les salles partager ce moment de cinéma populaire au sens noble du terme.