Le premier plan sur un black mangeant un grec (un kebab) annonce d'emblée la couleur. Match du PSG, reubeus de quartier souvent vulgaires et maladroits avec les femmes, mecs violents, fumeurs de joints, voiture aux vitres teintées, rap (musique d'ambiance surtout), baskets, sorties de prison: bienvenue à Banlieue Land - et les clichés, c'est no limit, pour paraphraser l'un des personnages (merci Gad Elmaleh pour la blague soit dit en passant). A la différence que là-bas, c'est Paris, quartier Pigalle précisément, et qu'on manie non seulement le verlan chez les plus personnages les plus stéréotypés mais aussi l'argot des PMU. Ça promet.
Autre cliché du genre: Paris, c'est pas magique, la faute à son ciel gris, son RER pourri, la solitude et la folie qui guettent ses ruelles, la gentrification de la ville, les vagues de touristes et surtout à cause de ses habitants, les parisiens, soient-ils les derniers comme le titre pompeusement prophétique dit l'annoncer. Ce même titre contient une autre marque de fabrique signée La Rumeur dont les auteurs ne parviendront, semblent-ils, jamais à se défaire: la mélancolie (mort d'un objet aimé, rappelons-le, ici le Paris idéalisé, un peu comme chez Baudelaire dans le poème "les cygnes", mais la grâce en moins), tenace, incrustée dans la chair et que leurs textes exhalent comme un poison (et c'est un suiveur du groupe qui le dit, après avoir écouté nombre de leurs albums et les avoir vus dans un concert qui s'essayait déjà à la mise en scène avec un grand sens du ridicule), fruit d'une ambiance fielleuse, désabusée, aigrie où l'on est plus envieux et revanchard qu'ambitieux et preneur d'initiative.
En ce qui concerne la mise au scène, on est proche du film amateur, car mis à part le floutage des lumières de la ville et la focalisation / défocalisation jouant sur les 1ers et arrières-plans, c'est le néant absolu. Côté scénario et narration, c'est somme toute assez plat et brouillon, la faute non seulement à un piètre montage concédant trop d'importance à ce qui n'en méritait que trop peu, mais aussi à un traitement superficiel du récit au profit d'une soi-disant immersion au sein d'une "quartiertude" authentique (bourrée de clichés, comme il est dit ci-dessus). Enfin, Reda Kateb - qui pourrait sélectionner un peu mieux les scénarios qu'il semble accepter les yeux fermés - campe pour une énième fois le même personnage qui lui colle à la peau depuis l'excellent Un Prophète, auquel Les derniers parisiens emprunte l'ambiance violente avec une maîtrise bien sûr nettement inférieure.
Bref, encore un film de banlieusards, avec certes de bonnes intentions mais qui à aucun moment ne parvient où il aurait souhaité.