François Truffaut attachait une grande importance à ce film, car, bien qu'il sorti en 1971, il représente aussi son dernier travail avant sa disparition en 1984 ; car il en a proposé une version définitive, celle qui fait foi désormais. C'est une histoire d'amour folle entre un jeune dandy, Jean-Pierre Léaud, et deux sœurs anglaises, Kika Markham et Stacey Tendeter au début du XXè siècle. Le continent du titre est le surnom que les jeunes femmes donnent à Léaud, vivant de manière libre et assumée, mais qui va réussir à faire chavirer leurs cœurs alors qu'elles s'étaient jurées de rester chastes.
C'est tout simplement un mélodrame formidable, sur cet amour fou que va vivre Jean-Pierre Léaud, dit Claude, pour Ann et Muriel, mais qui va se confronter aux familles, à cause d'un mariage supposé mais dont les époux sont trop jeunes, puis par les conventions sociales de l'époque, qui vont être brisées par ces deux femmes, preuve de leur audace. Les deux anglaises est également un hommage au cinéma de Jean Renoir, avec ces costumes magnifiques, ce tournage en partie sur les terres anglaises, qui rappellent bien entendu Un dimanche à la campagne, qu'adulait Truffaut. D'ailleurs, c'est ce dernier qui assure la voix-off de l'histoire, qui s'enchaine de manière fluide durant les plus de dix années qu'elle dure avec un final bouleversant qui se passe dans le parc du musée Rodin, à la recherche de souvenirs.
Et l'autre élément que je trouve fort, c'est la musique de George Delerue qui est magnifique, sans doute la plus belle dans sa collaboration avec Truffaut, tant elle semble en harmonie avec les scènes, notamment celles impliquant l'amour. On retrouve aussi le jeu apprêté de Jean-Pierre Léaud, mais qui va bien avec l'histoire, car il est montré comme quelqu'un de réservé, mais qui semble avancer ses pions dans le jeu de la séduction avec l'une et l'autre. On sent d'ailleurs que dans les scènes où il parle en anglais, ça sent la phonétique.
La surprise est d'autant plus grande que Les deux anglaises semble être un film mal estimé dans la carrière de François Truffaut, et dont l'échec commercial l'a beaucoup peiné. Gageons que depuis, le film a gagné ses lettres de noblesse parmi ses plus belles réussites.