Pourquoi n'ai-je pas pris mon cahier pour y annoter quelques merveilles de dialogue tout en poésie, finesse et légèreté ? Truffaut parle d'amour et l'amour nous parle. "Aucun homme n'avait touché à Anne et elle se donnerait à lui. Il serait le premier mais pas ici, pas dans cet atelier, pas à Paris. Claude lui promit de l'emmener. Il se fit prêter une petite cabane sur une île miniature au milieu d'un lac suisse. Il lui proposa de passer là une semaine. Ils essaieraient. Ils s'approcheraient. Ils étaient encore plus résolus qu'amoureux. Ils iraient sur l'île en se fixant un programme qui se résumait en une phrase : Vivons, nous mettrons une étiquette après." Musique. La caméra nous emmène près de cette cabane, sur un bateau, sur la rivière. On entre dans la cabane, et la vie se jour, hors du monde. C'est simple, désirable, dans un monde où la vision même de l'amour est corsetée, où les impossibilités sont nombreuses et terrifiantes, où le malheur nous guette au tournant, où les parents rendent l'avenir incertain. "La vie est faite de morceaux qui ne se joignent pas". Il y a une douceur qui émane de la caméra. Les paysages britanniques - filmés en Bretagne - sont comme une toile impressionniste, peints à grands traits mais si justes. Les personnages sont complexes et tiraillés, surtout les femmes, contraintes de faire face à des carcans sociaux là où Claude évolue à sa guise entre désirs et sentiments. Sauf un instant, lorsque Muriel lui envoie sa lettre d'adieu, et met fin à ses espoirs d'amour. "Lui qui avait tant fait souffrir découvrait la souffrance à son tour. Il sombra dans le désespoir, doutant de tout et même de sa propre identité". Je pense à Marie Mansart, si classe et élégante en mère de Claude. La photographie est sublime. A peine terminé, j'ai envie de retrouver ses caresses de caméra, comme on voudrait relire les passages d'un livre aimé.