"La pire merde que j'aie tourné en 20 ans ! " disait John Ford. Mon cul !
Les Deux Cavaliers n’est pas forcément le film de John Ford le plus connu. Forcément, on a toujours cette petite peur de découvrir un film mineur, un peu oublié pour une raison X ou Y. L’avantage, c’est que lorsqu’on est chez un grand auteur, il y a souvent quelque chose à tirer du film même lorsque ce dernier n’est pas folichon. Fort heureusement, celui-ci est loin d’être un film faisant tâche dans la filmographie du cinéaste américain.
C’est un film qui se suit agréablement, dont les principales qualités sont sûrement l’écriture et l’interprétation de ses deux personnages principaux. Ce duo Richard Widmark / James Stewart est fascinant. D’une part car le film joue sur l’image de Stewart et lui façonne au début un personnage d’apparence sympathique, mais exécrable, vénal et opportuniste, d’autre part car il sublime tout le potentiel de charisme possible de Richard Widmark. Quelle gueule. Il m’évoque, avant l’heure, des acteurs à la face burinée comme Ed Harris ou Peter Weller. La confiance de John Ford en ses acteurs va jusqu’à faire durer des plans assez longs avec eux, où la qualité du jeu d’acteur proposée est énorme. Forcément, quand on filme un plan comme ça, on a même pas envie de le couper. D’ailleurs je pense que le découpage, dans ce genre de séquence, peut nuire. Ici, on a des plans qui durent et qui font vivre les acteurs. On se demande quand ça va couper, jusqu’à quand les acteurs pourront tenir en gardant un tel niveau. Et ça ne coupe qu’à la fin, la coupe étant amenée par un autre évènement. Bien sûr, cela ne concerne que quelques plans dans le film, mais c’est remarquable.
Parlant de la réalisation de John Ford, elle est plutôt de bonne facture. C’est fluide et souvent très beau grâce à une photographie assez maitrisée. Je redoutais un peu le film réalisé à la va-vite, mais que nenni. Puis Ford arrive à conférer au film une certaine légèreté qui est plaisante. Elle passe par les dialogues, bien entendu, mais aussi par la mise en scène. A cela je nuancerais tout de même que je demeure septique sur certaines touches « humoristiques » qui sont parfois de trop, tantôt lourdes, tantôt puériles. Je pense notamment à ce gros sergent qui se bat en donnant « des coups de ventre » à ses adversaires sur lesquels sont rajoutés des bruitages de grosse caisse. Humpf.
Mais c’est un film qui mérite sans aucun doute d’être découvert, ne serait-ce que pour son interprétation et la qualité des dialogues. Puis il aborde des thèmes intéressants comme l’identité ou le rejet. Forcément, il rappelle quelque par La Prisonnière du Désert. D’ailleurs j’ai lu que John Ford disait de Les Deux Cavaliers : « la pire merde que j'aie tourné en vingt ans ». Fatalement, un auteur est rarement satisfait de son travail, mais ça m’étonne tout de même de lire ça. C’est un film vraiment très plaisant, en dépit de ses défauts et de sa fin sans doute expédiée.