Cette variation autour du célèbre récit de Robert Louis Stevenson détonne quelque peu dans l’univers de la Hammer. Plutôt que de rechercher l’épouvante, le film fait le choix presque du drame avec ce personnage torturé qui cherche à explorer ce qu’il a, en réalité, au fond de lui. Récit de vengeance sur fond d’amour déçu, l’ensemble ne vise pas le frisson mais s’appuie simplement sur la transformation du docteur Jekyll pour s’enraciner dans le fantastique. Autant le dire tout de suite, le parti-pris est une réussite. Avec Terence Fischer aux manettes, le résultat est une œuvre esthétiquement soignée, pleine de flamboyance et de compositions poétiques. Si, bien entendu, le thème du double et de la dualité conduit à des portraits caricaturaux du protagoniste principal, son entourage plus nuancé fait mouche. En tête de celui-ci, un Christopher Lee parfait en dandy jouisseur sans morale qui montre qu’il sait interpréter autre chose que les « monstres » de la firme.


Si le scénario manque peut-être d’audace tant il est rectiligne et presque dans surprise, il offre un récit parfaitement cohérent et maîtrisé avec un final particulièrement cruel pour tous ses protagonistes. Là, en revanche, où repose l’idée de génie de l’ensemble est d’avoir fait de Monsieur Hyde un homme jeune et attirant mais à la morale douteuse. Ce renversement du récit de Stevenson où Hyde était, au contraire, repoussant en tout point, annonce une thématique qui sera reprise dans de nombreux autres récits de ce type allant du Docteur Jerry et Mister Love à Phantom of the Paradise. L'autre idée remarquable est celle de faire un lieu, le Sphinx, une maison de plaisir huppée noyée dans les bas-fonds de Londres. L’occasion d’entretenir toute une tradition littéraire du bourgeois aimant s’encanailler, donnant à de très nombreuses jolies scènes.


Si le résultat manque peut-être un peu d’énergie et d’effroi (on aurait par exemple aimé que Mister Hyde soit encore plus dérangé), on a sous la main un film de la Hammer très original, s’appuyant sur sa capacité à créer un univers baroque, dans un récit plus dramatique et tourmenté. Dans ce numéro d’équilibriste, Terence Fischer prouve quelle arme redoutable il était pour la firme. Paul Massie, dans le rôle principal, même s’il est affublé d’un maquillage quelque ridicule lorsqu’il est le docteur Jekyll, s’en sort très bien avec sa tête d’ange à laquelle il ne faut pas se fier. Une des réussites de la grande époque de la Hammer.


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le 30 nov. 2024

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