On a tous nos périodes, et il semblerait que je soie dans une période « classiques français ». Du côté de Clouzot, je restais sur deux expériences concluantes, avec L’Assassin habite au 21 et Le Corbeau. Les Diaboliques, film globalement très apprécié qui plus est, ne pouvait que me laisser sur une impression positive.
J’aime les films à suspense. Suivre une histoire, être pris par le doute, s’interroger, faire des hypothèses, se rendre compte qu’on fait fausse route, mais que finalement non, et peut-être que si… C’est tout un art, dont on a souvent tendance à accorder la maîtrise à Alfred Hitchcock, mais en France, avec Henri-Georges Clouzot, nous avions bien à faire à un client sérieux. Déjà très convaincant dans son premier long métrage, L’Assassin habite au 21, mais aussi dans Le Corbeau, il a très rapidement su montrer sa capacité à développer des intrigues prenantes autour de personnages marquants, dans des tableaux sombres et empreints de mystère.
Les Diaboliques ne fait pas exception à la règle. Tout, dès le début, est annonciateur du drame qui s’opère en silence. Cette ambiance sombre, anxiogène, est parfaitement propice à l’installation de l’intrigue du film. Clouzot met parfaitement son piège en place et à exécution, donnant des clefs au spectateur, pour n’ouvrir que des portes menant nulle part. En effet, si tout paraît clair dans le plan des deux protagonistes principales, il paraît presque tout aussi évident que des couacs vont venir enrayer la mécanique. Pourtant, on ne ressent aucun sentiment négatif à pressentir ces rebondissements, car ils permettent de donner encore plus de substance au personnages et de mieux impliquer le spectateur dans le film.
Et si la machine opère aussi bien, c’est grâce à l’aspect très hybride du film, qui se nourrit d’influences de genres variés pour éviter toute forme de monotonie et donner une âme toute particulière à son film. Dans L’Assassin habite au 21, Clouzot se base sur une intrigue policière et en fait aussi une comédie noire, remplie de répliques cinglantes. Le Corbeau est davantage un drame sur lequel se greffe les éléments d’une intrigue policière et d’un thriller. Les Diaboliques est un thriller, avec des composantes d’une intrigue policière, et un penchant pour l’horreur et l’épouvante, avec une ambiance visuelle très marquée, et une exploitation très intelligente du hors-champ qui donne beaucoup de puissance à certaines scènes (notamment celle de l’arrivée du mari à Niort).
Le cinéma de Clouzot brille à travers sa qualité de mise en scène, mais aussi son écriture et sa capacité à associer diverses influences et divers genres pour ne jamais sombrer dans la monotonie et le prévisible. De plus, il a la chance de pouvoir s’appuyer sur des acteurs fidèles et talentueux comme Pierre Larquey et Noël Roquevert, sans oublier le très bon duo Vera Clouzot/Simone Signoret, très complémentaire, le glacial Paul Meurisse, et une des toutes premières apparitions au cinéma de Michel Serrault. Les amateurs de thriller et de films à suspense ne peuvent que passer un bon moment devant Les Diaboliques. Et comme le conseille Clouzot lui-même, je ne serai pas diabolique en vous en disant plus, et en vous invitant vivement à vous intéresser à ce film.