Voilà un film français dont le destin, très particulier, fait qu'il est plus connu à l'étranger que dans son propre pays, jusqu'à rafler un Oscar.
Un ancien pilote, Pierre, devenu amnésique à la suite d'un accident à la guerre d'Indochine, va se lier d'amitié avec une petite fille, abandonnée par son père dans un orphelinat. Elle va aller jusqu'à rejeter son propre père et faire sien Pierre, qui lui donne le bonheur qu'elle n'a jamais connu.
C'est un amour très pur qui se créée, mais dont le secret va vite s'éventer auprès des proches de Pierre.
C'est le premier film de Serge Bourguignon, mais il a déjà derrière lui une longue carrière dans le court-métrage et le documentaire. On va que le réalisateur a déjà du métier, ne serait-ce que dans la mise en scène, absolument sublime. Avec une photo d'Henri Decae, Bourguignon va créer une véritable osmose entre le jeune homme et la petite fille, mais sans qu'à aucun moment, on ne peut y voir du mal. Aux yeux des sœurs du pensionnat, celles-ci le voient comme un père qui vient récupérer sa fille tous les dimanches.
C'est un peu l'impression que cela donne à l'écran, avec un monde que se créent les deux, notamment en faisant des ricochets dans l'eau, qui est une métaphore de l'ouverture de leur propre univers. Peut-être est à mettre au tort du film, mais c'est excessivement métaphorique, dans le sens les plans donnent souvent une signification première.
Je veux citer un moment où Pierre, poussé par sa compagne, part à un repas d'amis, et il se met à jouer avec son verre, montrant à l'image une vision déformée des gens. C'est un peu ce que voit Pierre dans sa tête car son amnésie le montre comme froid et distant.
Mais j'insiste vraiment sur ce modèle de pureté qui s'affiche dans le film, jusqu'à voir Pierre qui refuse quasiment l'amour de sa compagne, qui l'a soigné après son accident. C'est Nicole Courcel qui joue cette femme qui a l'air complètement dépassée, mais dont on voit bien qu'elle aux pieds de son homme, ce dont il se moque, mais là aussi en regardant bien leur appartement, on ne voit que des photos d'elle seul, ce qui suppose au fond un certain égoïsme.
Quant au duo principal, incarné par Hardy Krueger et Patricia Gozzi, qui avait onze ans au moment du tournage, il est magnifique, la jeune fille entrant sans mal dans le Panthéon des enfants acteurs, aux côtés d'une certaine Brigitte Fossey.
Pour son âge, cette fille est d'une incroyable maturité, osant parler à Pierre d'amour, de mariage, mais on voit bien que si elle est encore petite, elle ne dit pas ça dans le vent. Elle voit dans ce jeune homme le père qu'elle n'a pas connu et un amour naissant, que celui-ci ne pense pas forcément. Là aussi, sa relation (entièrement platonique) pourrait être comme une catharsis, le remède à un souvenir vécu en Indochine, et qu'on suppose dans le générique d'ouverture.
D'ailleurs, la fin du film est dans une tonalité plus tragique, avec un couteau phallique, mais il en résulte que Les dimanches de Ville d'Avray est un film magnifique, dont le tort est au fond qu'il est complètement invisible dans le cinéma français de cette époque, au point que ce sont les Américains qui le portent au pinacle. Comme quoi, nul n'est prophète...