Cette jolie histoire de Pierre Véry -qu'on imagine très bien dans la Bibliothèque Verte- se déroule sur deux niveaux. Celui des élèves du collège de Saint-Agil d'abord et, parmi eux, les trois jeunes héros de la société secrète des Chiche-capon. Leur imagination et d'étrange agissements dans les couloirs de l'institution engendrent une mystérieuse intrigue dont on suit avec intérêt les incidents successifs.
Qui ne se souvient des disparitions singulières de Sorgue et Macroix, du tableau escamotable de la salle de sciences et du squelette Martin?
Ainsi cette histoire destinée à ressusciter l'imaginaire de l'enfance réveille-t-elle de surcroît d'agréables souvenirs de cinéma. Elle n'a rien d'infantile et inspire à Christian-Jaque, bien secondé aux dialogues par Jacques Prévert, une mise en scène inspirée, pleine de mystère autant que de précieux numéros d'acteurs (rappelons-nous que le cinéaste a déjà adapté brillamment Pierre Véry dans "L'assassinat du Père Noël", par conséquent à l'origine des probablement deux meilleurs films de Christian-Jaque).
Au second niveau, entre noirceur et fantaisie, les turpitudes des professeurs introduisent une dimension supplémentaire. L'austère Monsieur Walter, incarné par le charismatique Erich von Stroheim (sa discrétion et son accent, à la veille de la guerre, inspirent des craintes et des soupçons déplacés), l'alcoolique et vindicatif Lemel (Michel Simon) et le malicieux
faux-monnayeur
interprété par Le Vigan déterminent une atmosphère délétère dont, par ailleurs, on retrouvera une forme plus aigüe dans les futurs films de Clouzot.
Petits et grands, les acteurs sont excellents, avec mention particulière à l'étonnante composition d'Erich von Stroheim. "Les disparus de Saint-Agil" témoignent d'un des talents du cinéma français de l'époque: celui de créer des seconds rôles aussi performants que les premiers.