Les américains aiment leur pays, c'est d'ailleurs probablement une de leur plus grande force, avec leur attachement à la liberté. Il reste que la matérialisation de cet attachement à la Constitution américaine ne se transcrit pas du tout de la même façon chez Cecil B. DeMille que chez son contemporain John Ford. Tous deux étaient évidemment farouchement opposés aux nazis et rejetaient vigoureusement le modèle communiste. Pour autant, alors que John Ford est viscéralement opposé à toute liste noire pratiquée par le Maccarthysme, Cecil B. DeMille n'hésite pas à franchir la ligne rouge.
Cette dissension entre les deux hommes s'affiche publiquement le 22 octobre 1950, lors d’une séance plénière historique de la Screen Directors Guild, alors que Cecil B. DeMille tente de renverser le président de l'association, Joseph L. Mankiewicz. John Ford y déclare alors que « quelqu’un veut nous transformer en service de renseignements […]. Je ne pense pas que nous devrions nous mettre en situation de diffuser des renseignements négatifs sur un réalisateur, qu’il soit communiste, batte sa belle-mère ou fouette ses chiens. [...] Je ne crois pas que quiconque dans cette salle sache mieux que Cecil B. DeMille ce que veut le public américain. Mais je ne t’aime pas, C.B., je n’aime pas ce que tu symbolises […]. Joe Mankiewicz a été diffamé, et je propose que nous lui donnions un vote de confiance ».
C'est dans ce contexte de haine anticommuniste que Cecil B. DeMille est bien décidé à rappeler à ses concitoyens les vertus du Décalogue. Le moins qu'on puisse dire, c'est que le réalisateur américain n'y va pas avec le dos de la cuillère. Le tyran Ramsès II est interprété par le russo-américain Yul Brynner tandis que Moïse est interprété par Charlton Heston, au physique irréprochable.
La démesure du tournage avec son grand nombre de figurants et le budget gigantesque des décors et effets spéciaux ne parvient pas à masquer le mauvais goût du réalisateur et son manque de créativité. Les effets spéciaux sont peut-être novateurs mais sont d'une laideur atroce (en plus d'être parfaitement lourdingue dans leur symbolique). Alors que nous sommes en 1956, Cecil B. DeMille est toujours incapable d'imaginer le cinéma autrement qu'en une série de tableaux en deux dimensions. Inutile de s'attarder sur la direction d'acteurs qui relève davantage de la chorégraphie d'une comédie musicale que d'un récit dramatique.
Si au moins, Les Dix Commandements permettait de s'épargner la lecture de la Bible, le spectateur n'aurait pas tout à fait perdu sa soirée, mais ce n'est même pas le cas.
Il n'y a donc pas grand chose à sauver de ce film pharaonique, si ce n'est peut-être la qualité des costumes et de certains décors sauvés par l'absence d'effets spéciaux de mauvais goût.