Evidemment, pour pouvoir apprécier une fresque de 1956 traitant d'un personnage religieux lorsque vous êtes athée comme moi, mieux vaut ne prendre celle-ci que comme une reconstitution adaptée des écritures dites "sacrées", sans visée prosélyte, même si par moments c'est un peu plus difficile - je pense notamment au final puritain de Moïse faisant la morale à des pécheurs d'hébreux bien impatients... Ou encore au triomphe de son monothéisme sur le polythéisme égyptien ; mais j'imagine que c'est ainsi dans ces écritures...
Quoi qu'il en soit, Cecil B. DeMille n'aura pas manqué son rendez-vous avec le premier grand blockbuster de l'histoire du cinéma ! Et moi qui ai toujours du mal à ne pas m'impatienter avec ce genre de films à rallonge, je dois bien admettre que Les Dix Commandements ont su m'embarquer avec délectation le long des rives du Nil, et pas que... Je pense aussi que mon attirance pour la civilisation égyptienne a dû jouer. Il faut dire qu'au niveau des décors, des costumes, des couleurs, des innombrables figurants, des chorégraphies, c'est somptueux, magnifique, grandiose ! (Z'avez vu, j'ai pas employé "pharaonique"...)
Et s'il n'y avait que ça ! Même Charlton Heston que je n'ai pas aimé dans Ben Hur, un peu plus dans La Planète des Singes, ne gâche pas son charisme en surjouant (quoique dès que ça devient tragique il retombe dans ses travers). De toute façon, l'ensemble des acteurs excelle. Mais que dire alors des effets spéciaux ? En dehors du "Feu de Dieu" qui a très mal vieilli, le reste frôle avec le divin de l'époque, à l'image du buisson ardent, des cobras, du Nil rougeoyant, de la plaie d'Egypte (atmosphère sombre très réussie), et bien sûr des deux cultissimes scènes d'ouverture des eaux et de pyrogravure des deux tablettes.
Cela dit, il y a quand même un truc qui m'a chiffonné au début : on zappe toute l'enfance de Moïse - hébreu sauvé des eaux par la Reine d'Egypte - tandis qu'on le retrouve à l'âge adulte doté d'un humanisme et d'un anti-eslavagisme assez invraisemblables étant donné son entourage royal... Il a beau être "l'élu", c'est un peu facile de ne même pas essayer de donner une explication un peu rationnelle à cette psychologie à contre-courant. A noter également que malgré la portée presque anti-raciste de son traitement des Ethiopiens fraîchement vaincus, on n'a encore que des blancs-ou-presque dans les rôles phares. Mais bon, on sait comment ça se passait à l'époque, hein...
Finalement, en dehors de ces quelques soucis et d'autres plus mineurs, je crois pouvoir affirmer que Cecil B. DeMille nous a pondu là un véritable monument, pas aussi balourd et pompeux que ce à quoi je m'attendais, et même presque poétique grâce à certains dialogues shakespeariens. D'ailleurs, les relations elles aussi shakespeariennes entre Moïse, Ramsès, Nefertari et Sethi notamment, très bien développées, donnent de la profondeur à ce récit s'orientant au final sur une réflexion philosophique au sujet de la liberté. Même si pour le coup, c'est beaucoup trop orienté justement.
Une histoire passionnante en tout cas, même si ça reste quand même un peu long 3h40 ! :p