Jack Cardiff est d'abord un immense directeur de la photographie, ayant signé celle de quelques-uns des plus beaux films de l'âge d'or d'Hollywood (« Le Narcisse noir », « Pandora », « African Queen », « La Comtesse aux pieds nus », pour ne citer qu'eux). Il est probablement moins à l'aise en tant que réalisateur, ce qui ne l'a pas empêché de signer certains titres de qualité, dont « Les Drakkars » fait assurément partie. Le format 70 mm donne d'ailleurs le ton d'une œuvre ambitieuse, cherchant clairement à marcher dans les pas des « Vikings » (au visuel également signé Cardiff!). D'ailleurs, ce dernier lui fait parfois concurrence : l'image, même signée par un autre, est magnifique, et les scènes de bataille, sans être aussi virtuoses, font leur effet.
L'auteur s'offre même une audace visuelle assez étonnante durant l'introduction (ou plutôt juste après) à travers le récit (mythique) de la
« Mère des Voix », cloche géante suscitant tous les fantasmes.
Celle-ci permet de créer une véritable envie d'aventures à travers cette quête incertaine, sur laquelle le héros ne semble pas en savoir beaucoup plus que nous. Si le rythme est assez soutenu durant la première heure, il l'est un peu moins par la suite, le scénario n'exploitant pas toujours le beau potentiel présenté au départ. Ce dernier a même un gros moment d'égarement lors de
la tentative de viol dans le sauna :
non pas que je sois un féministe forcené, mais de faire d'une chose aussi grave une scène de comédie, je trouve ça vraiment abusé.
L'œuvre est par ailleurs l'une des seules à nous offrir un affrontement pour le moins original sur grand écran : Vikings contre Maures, avouez qu'on ne voie pas ça tous les jours, l'opposition entre les deux peuples évitant plutôt bien la caricature, le « méchant » incarné par Sidney Poitier restant toujours cohérent avec sa logique et faisant preuve d'un minimum d'ambiguïté, face à un Richard Widmark solide mais déjà plus inspiré, ce qui s'explique en partie par les conditions de tournage complexes. Dénouement très réussi, autant par
l'impressionnante chute de la cloche que la mort d'Amina et Ali Mansu,
d'un panache presque « rostandien ». Un divertissement « historique » comme on en fait plus, un cran en-dessous des modèles du genre, mais souvent prenant.