Une similitude de couleurs m’a laissé espérer une sorte de Little Miss Sunshine à la Mexicaine. On en est assez loin et la différence se voit sur l’affiche : situation statique. Ce qui n’empêche pas le film de mériter le détour.


La jeune Claudia (Ximena Ayala) est dans une période de mal-être. Au début, on la voit sur son lit, prostrée, visiblement souffrante et on entend un bruit sourd, comme si son logement jouxtait la chambre des machines d’un cargo. Finalement, à la suite d’un malaise, elle se retrouve à l’hôpital. A côté d’elle, une femme (Martha) a la visite de ses enfants. La conversation s’engage, timidement. Pour Claudia, le médecin craint d’abord qu’elle soit enceinte, mais ce n’est qu’une crise d’appendicite. Elle se fait opérer et ressort de l’hôpital un peu claudicante. Là, une voiture (la coccinelle jaune de l’affiche) s’arrête à sa hauteur. C’est Martha qui lui propose de la ramener chez elle. Si Claudia refuse d’abord, c’est que personne ne s’inquiète d’elle. Ce sont les enfants de Martha qui la propulsent quasiment de force dans la voiture.


Voilà Claudia installée chez Martha (Lisa Owen), intégrée dans une cellule familiale qu’elle va apprendre à connaître en même temps que le spectateur. L’aînée, la responsable, c’est Alejandra (Sonia Franco). L’adolescente râleuse, Wendy (Wendy Guillén) gros popotin et poitrine déjà opulente, n’est pas si mal que ça dans sa peau. Vient ensuite Mariana (Andrea Baeza), la nymphette qui adore se maquiller et se trémousser devant la télé. Enfin, le petit dernier c’est Armando (Alejandro Ramirez-Muñoz) qu’on voit d’abord glissé sous le lit de sa mère à l’hôpital.


On réalise progressivement de quoi souffre Martha. Pas de quoi verser dans l’optimisme, pas vécu non plus comme une terrible injustice, plutôt le choix du destin. Le film réserve néanmoins quelques larmes. 6 à table, ça s'entend évidemment. Martha est veuve, mais elle a eu plusieurs maris. C’est une femme chaleureuse qui se soucie de ses enfants. Eux-mêmes se soucient d’elle, mais il est clair que chacun doit penser à vivre. Alors, Mariana et Armando essaient de rester à la maison au lieu d’aller à l’école et on s’organise un jour où il fait beau pour aller pique-niquer. Et même si Claudia retourne au travail faire un peu de vente en supermarché (s’amusant au passage d’une situation intime inattendue), n’ayant aucun point d’attache, elle va trouver assez naturel de prendre ses habitudes avec Martha et ses enfants.


La vie suit son cours jusqu’à la fin, bouleversante. Et si cette fin est bouleversante, c’est que la réalisatrice, par petites touches (le cours improvisé de Claudia à Armando qui lui a demandé des informations sur ce qu’est un baiser, comment s’y prendre, etc.), a su dresser des portraits attachants de cette tribu. La réalisation de Claudia Sainte-Luce est discrète, parfaitement adaptée au propos. Le spectateur finit par s’immerger dans ce milieu, parce que la caméra se fait oublier. La condition sine qua non étant bien entendu le naturel des interprètes, ce qu’on ressent par exemple quand Claudia dit que si elle pouvait changer quelque chose, ce serait son visage. Un visage certes pas parfait, mais dont le charme apparaît de plus en plus évident au fur et à mesure qu’elle s’intègre dans cette tribu pour s’y épanouir.


Et les drôles de poissons-chats du titre, me direz-vous ? Certaines situations sont amusantes et valent un sourire de connivence plutôt que des éclats de rire. Pour ce qui est des poissons, je n’ai vu qu’un poisson rouge dans un bocal. On peut toujours imaginer qu’avec des poissons volants le film aurait vraiment décollé. Ce tableau d’une famille Mexicaine vivant modestement restera malgré tout dans mon cœur !

Electron
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le 18 avr. 2014

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