"Les enchainés" est sans doute dans la forme, l'un des films les plus épurés d'Hitchock. Une oeuvre tout entière centrée sur la double intrigue initiée dès les premières scènes.
Un procès par lequel un espion allemand est condamné pour avoir trahi son pays, est suivi presque immédiatement d'une soirée au domicile de la fille de l'espion -très belle bien évidemment- qui rencontre un homme -très beau naturellement- qu'elle devine rapidement être un policier ou un espion.
Certes, la scène du procès est étrange, brumeuse, travaillée; pourtant, Hitch ne s'attarde pas outre mesure sur ces scènes d'exposition et ce, pour notre plus grand bonheur.
L'essentiel, nous l'avons compris, se nouera dans une intrigue d'espionnage intimement liée à une romance tourmentée. Devlin, le bel inconnu est donc un agent secret américain dont la mission est de recruter Alicia, fille de l'espion condamné. Le but est qu'elle reprenne contact avec Sébastien, ami de son père et ancien nazi exilé au Brésil, afin de révéler au grand jour le complot qu'il fomente avec quelques "amis".
Le pitch est simple, mais permet de mettre en lumière l'immense talent du réalisateur, sa capacité à amener une tension croissante, tant dans les scènes d'amour que dans les scènes d'espionnage. A ce titre la scène du premier baiser est d'une intelligence remarquable.
A l'époque, le fameux code Hays limitait les scènes de baiser au cinéma à 20 secondes. L'idée (brillante) consista alors à entrecouper l'étreinte de dialogues, jusqu'à prolonger l'échange baveux au delà des trois minutes. Au final, la scène est d'une grande intensité et traduit à merveille un amour éperdu entre les deux personnages. Amour qui va par ailleurs magnifier tout l'héroïsme des actes d'Alicia, son mariage avec Sébastien prendra une dimension d'autant plus dramatique qu'il représentera le moyen ultime d'accomplir sa mission, tout en l'éloignant peut-être irrémédiablement de Devlin.
A l'inverse les scènes les éléments de construction de l'intrigue policière (une clé dissimulée, des bouteilles de vin au contenu mystérieux, un café au goût étrange) sont à chaque instant prétexte à un rapprochement ou à un éloignement des deux amants.
Truffaut affirmera d'ailleurs que le cinéaste "filme des scènes d'amour comme des scènes de meurtre et des scènes de meurtres comme des scènes d'amour"., c'est particulièrement vrai ici. Ajoutons à cela une parfaite maîtrise du récit et nous obtenons (encore) un très, très grand film du maître..