Et si c'était ça le secret de la French Touch, de la réussite filmique à la française? Une pléiade d'acteurs remarquables au talent indiscutable, une réalisation de très grande qualité, un scénario bouleversant mettant en lumière une histoire qui l'est au moins tout autant.
J'admets que, au moment du visionnage des Enfants du Marais, je ne m'attendais pas à une telle claque. Le script semblait à première vue intéressant mais pas au point d'en garder un souvenir impérissable. Pourtant, au bout d'une quinzaine de minutes de projection, je compris que je ne voyais pas un film comme les autres, que j'assistais à une œuvre qui allait me marquer pour toujours.
Les Enfants du Marais, c'est l'histoire d'un homme simple et généreux, Garris, marqué par l'enfer des tranchées de la Première Guerre Mondiale.
Les Enfants du Marais, c'est aussi le récit de son ami Riton, sot mais fidèle en amitié, toujours amoureux de son ex femme et porté plus qu'il n'en faut sur la bouteille.
Les Enfants du Marais, c'est également la vie de leurs compagnons, du sympathique et grand pêcheur de grenouilles Pépé la Rainette à Tane, conducteur de train affable en passant évidemment par le rêveur et gauche Amédée.
Les Enfants du Marais, ce sont des personnages inoubliables aux caractéristiques propres à chacun d'eux. La gouaille de Riton, le sourire malicieux de Pépé la Rainette, le phrasé de Amédée, la gentillesse de Garriss.
Les Enfants du Marais, c'est un bol d'air frais et de nostalgie qui sent bon la France des années 30, celle des chapeaux melons et des casquettes Gavroche, des costumes trois pièces et de la montre à gousset, des bourgeois des Villes et des gens du Marais.
Les Enfants du Marais, ce sont encore des scènes iconiques. L'écoute d'un disque de jazz sur la berge d'une tourbière, dans le couchant d'un soir d'été. La poésie des répliques d'un Riton inspiré lorsqu'il énonce notamment qu' "Un inconnu te vexe, mais un ami te peine". La leçon de vie de Pépé la Rainette quand il affirme avec aplomb que, malgré une fortune importante amassée au cours de sa vie, il regrette l'époque où il vivait chichement sur les bords du marais.
Les Enfants du Marais, c'est enfin et surtout le conte d'une amitié fraternelle entre deux mondes a priori opposés, d'une part ceux du Marais vivant de peu mais fiers de leur manière d'être et d'autre part ceux de la Ville attachés à la simplicité des premiers.
Au final, c'est cela Les Enfants du Marais. Une leçon de vie où le réalisateur, Jean Becker, nous rend nostalgique d'une époque que l'on n'a pas vécue, d'une époque pré-mondialisation où il était encore possible pour un Homme de vivre des ressources d'une étendue d'eau. C'est l'époque de ces individus simples qui vivaient certes de peu mais avec une profonde dignité, comme le résume majestueusement cette phrase de Garriss: "On est des gagne-misère, mais on n'est pas des peigne-cul". Une leçon de vie de bout en bout.