Les Enfants du Paradis est l'une des rares superproductions françaises tournées durant la Seconde Guerre mondiale en zone libre, bénéficiant d'un immense budget, mais aussi des aléas de l'époque, avec pellicules rationnées et coupures d'électricité fréquentes.
Ce qui marque assez vite dans Les Enfants du Paradis, c'est à quel point l'œuvre est vivante. Tout est fluide, tous les éléments sont parfaitement intégrés à la mise en scène, que ce soit les costumes, décors, les arrière-plans et surtout les personnages naviguant au milieu de ceux-ci. C'est remarquable, la caméra vole et le temps s'immobilise, Marcel Carné nous fait vivre l'œuvre, enfin les œuvres, la sienne et celles contenues à l'intérieur, du théâtre, des mimes ou des spectacles populaires, et c'est superbe.
La poésie traverse Les Enfants du Paradis, l'inspiration de Jacques Prévert magnifie les travaux de Carné et est primordiale au film. Le rêve est une composante importante du récit et le personnage de Baptiste en est le plus bel élément, tant dans ses actes que ses pensées. Il symbolise aussi les différents langages que l'on voit dans le film, celui du corps (via Baptiste et l'ensemble des comédiens) puis celui de l'esprit, et l'alchimie entre les deux forment la grande réussite du film. Cette poésie prend plusieurs formes, et se retrouve partout, les décors du Théâtre des Funambules en est un bel exemple, et véhicule plusieurs émotions différentes, allant de la mélancolie à l'ivresse.
C'est dans ses personnages que Les Enfants du Paradis est une grande réussite, ils sont d'une fraicheur, d'une authenticité et la poésie respire à travers eux. Certains reprennent des personnages ayant réellement existé (Baptiste, Frédérick Lemaître, Pierre-François Lacenaire…), ils sont remarquablement interprétés et, bénéficiant de l'excellente écriture de Jacques Prévert, portent le film sur leurs épaules. Les séquences où ils jouent un rôle sont superbes, notamment lorsque Baptiste entre en scène, et tous ses personnages sont bercés par l'amour, l'illusion de celui-ci ainsi que les croyances qu'il entraine.
L'atmosphère est tout le long prenante sublimée, notamment, par les éclairages signés Roger Hubert. Les Enfants du Paradis construit aussi son intemporalité sur les lieux, à l'image du boulevard du Crime sur lequel on découvre tous les personnages ou le théâtre des Funambules. Le temps n'a pas d'effets sur ces lieux et démontre, à nouveau, la magie et l'intemporalité du cinéma et du monde du spectacle.
Les Enfants du Paradis permet à Marcel Carné et Jacques Prévert de signer une œuvre intemporelle sur le Cinéma et le monde du spectacle, teintée de poésie, de mélancolie et d'amour, nous emmenant dans des lieux inoubliables pour côtoyer des personnages sur lesquels le temps n'a aucun effet sur eux.