Pour sauver sa clinique de soin psychiatrique en ruine, le docteur Malic accepte la proposition d'un agent secret américain: héberger contre rémunération un espion mystérieux dont veut s'emparer une cohorte de ses congénères. Dès lors, la clinique et ses alentours sont investis par une clique de types louches, de barbouzes au discours menaçant ou sibyllin. La clinique de Malic est le décor essentiel du film où le docteur a bien du mal à imposer encore son autorité,
se résignant bientôt à subir les visites inquisitrices d'espions sans façons, assimilables à des aliénés.
Si Clouzot fait de temps en temps référence aux Blocs de l'Est et de l'Ouest et à l'arme nucléaire, son film n'est pas -loin de là- une intrigue d'espionnage rationnelle. Avec ses accents kafkaiens, le sujet invoque un monde absurde, incompréhensible, dans lequel la science du psychiatre ne lui est d'aucune utilité. Le secret et la duplicité, la sournoiserie et les manipulations composent une intrigue inextricable que Malic, en s'y mêlant, croit pouvoir débrouiller au nom de valeurs morales ou d'un bon sens qui n'existent pas dans le milieu de l'espionnage.
Gérard Séty incarne ce docteur Malic de plus en plus fébrile, rebelle mais impuissant, et il est, d'une certaine façon, le point de vue du spectateur. Dans ce film foncièrement pessimiste (dont on n'est pas sûr, comme Malic, de saisir toute la signification), le ballet d'espions auquel on assiste n'est pas sans motifs loufoques tant l'y prédisposent une action et une agitation s'installant définitivement dans le non-sens. L'homme ordinaire n'y trouve plus sa place.