Tu peux pas comprendre l'histoire d'une vie

Chloé Zhao semble désormais posséder cette année 2021 en ayant enchaîné l'Oscar du meilleur film avec son Nomadland et le film du MCU qui s'annonçait comme différent du reste de l'univers en plus d'avoir une certaine ambition. Les Éternels est donc le troisième film du MCU à sortir cette année et comme à chaque sortie que ce soit film ou série, j'ai au moins une extrême curiosité, au plus une immense impatience. Si à l'annonce du projet la curiosité primait, l'impatience a pris de plus en plus le pas suite aux différentes informations et promesses. J'écrivais dans un statut le 7 décembre 2019 que « Les Éternels redéfiniront et changeront le MCU dans la phase 4 », une affirmation dont je n'ai pu retrouver la source mais c'est ce genre de phrase qui font monter la hype. Le pari n'est pas vraiment tenu à mon sens, je vois mal ce film avoir un quelconque impact sur les programmes du MCU, s'il devait y avoir un changement ce serait plutôt grâce à un ensemble de programmes (WandaVision par exemple ou prochainement She Hulk présentée comme une comédie judiciaire), mais son style s'écarte effectivement de ce qu'on a pu connaître et le plus important : c'est un film réussi.


ATTENTION SPOILERS


La réalisatrice s'est emparée du projet pour y insuffler son style, en tout cas celui qui transparaît dans la bande-annonce de Nomadland, je n'ai regardé aucun film de Zhao. Mais force est de constater que c'est manifestement une auteure avec une vision à laquelle Kevin Feige, le boss de Marvel Studios, a eu la bienveillance de donner un minimum carte blanche. Par conséquent on a droit à un film plus contemplatif, nous laissant profiter de ses beaux paysages parce que oui pour une fois l'action du métrage ne se situe pas à New York mais en pleine nature (et un peu à Londres et dans l'espace). Le film est beau parce qu'il sonne plus réel qu'un Shang-Chi qui nous inondait de fonds verts souvent laids, ici c'est tourné en décors réels avec une lumière naturelle, évidemment la CGI est là pour les Déviants, les pouvoirs des Éternels ou pour les Célestes mais le fait est qu'elle est beaucoup mieux gérée que dans les deux derniers films. En gardant une échelle humaine, à l'instar récemment de Dune de Denis Villeneuve, Chloé Zhao réussit à créer des séquences grandioses, elle réussit à travailler le gigantisme ainsi les Célestes paraissent réellement immenses et les séquences d'action impressionnent. De plus c'est un vrai bonheur de voir des scènes d'action qui ne souffrent pas d'un montage sur-découpé, la caméra et le logiciel de montage sont posés, tout est lisible, d'ailleurs l'attaque d'un Déviant sur Ikaris m'a fait penser à l'attaque de l'ours de The Revenant, c'est une bonne chose. Ensuite, je ne sais pas si l'idée vient de la tête pensante ou de la cinéaste mais l'intégration d'une grande quantité de minorités m'inquiétait un peu. Au final le film ne force pas du tout là dessus, ils sont parfaitement inclus dans le film et ça fait encore une différence avec ce qu'on peut voir à Hollywood. Malgré tout ça reste un film Marvel c'est-à-dire que l'humour est de la partie, il fonctionne mieux que celui de Shang-Chi à mon sens et la mise en scène des dialogues reste relativement basique. Chloé Zhao rejoint donc le rang des auteurs qui ont su introduire leur patte dans une œuvre du MCU aux côtés de James Gunn, Taika Waititi, Ryan Coogler ou encore Shane Black proposant ainsi un film d'une beauté rare au sein du MCU.


L'autre pari du film était d'introduire une équipe de super-héros inconnu du grand public ainsi que de développer une partie cosmique de l'univers. Mes abonnés le savent très bien, je suis un grand fan du MCU et dès qu'il s'agit d'accroître l'univers je suis automatiquement sujet d'une grande curiosité, d'autant plus que je n'avais jamais entendu parler des Éternels avant l'annonce du film. Découvrir cette équipe, le rôle des Célestes, l'opposition avec les Déviants a été un réel plaisir. Le traitement et l'écriture de chaque personnage est suffisamment travaillé pour que chacun ait une utilité, pour que chacun soit différent pour au final que chacun soit intéressant. Je note néanmoins une petite déception concernant le personnage de Salma Hayek, Ajak, qui meurt rapidement, j'aurais bien voulu la voir davantage mais à côté cela signifie que Marvel a osé tuer des personnages car ce n'est pas la seule à trépasser. En dehors de ça j'ai bien aimé le rôle d'Ikaris, malgré une interprétation assez plate de Richard Madden, un Superman qui se transforme en Homelander de The Boys, c'était un retournement de situation intéressant qui relançait habilement l'intérêt du film, avoir un héros en tant qu'antagoniste ça a rarement été fait dans le MCU, voire jamais. Heureusement qu'il existe cet Ikaris parce que les Déviants manquent d'une âme pour devenir des antagonistes imposants et on ne peut se reposer sur les Célestes qu'on ne voit jamais en action, ils créent cependant des enjeux importants. Le réel intérêt des personnages n'est pour moi pas à prendre dans le cadre individuel, ce qui fait la force de chacun c'est l'alchimie avec le reste de l'équipe, les relations qui se créent ou se détruisent. Les Éternels est une équipe originale de par son origine, ses morts et la diversité de ses membres.


Les bandes-annonces et le principe d'une équipe liée depuis des millénaires laissaient clairement penser qu'on allait avoir encore droit à un film sur la famille dans la pure tradition de Disney et dans la lignée des récents programmes Marvel. Quel soulagement et surtout quelle surprise de voir que Chloé Zhao va plus loin que ça en proposant une réflexion sur l'humanité. Cette histoire d’Émergence qui consiste en la naissance destructrice d'un Céleste qui se nourrit de vies humaines fait écho au problème de surpopulation qui se pose de plus en plus puis au dilemme de laisser des gens en vie empêchant ainsi la naissance d'autres. En outre nous assistons à une crise existentielle des Éternels déboussolés par la révélation qu'ils ne sont qu'en fait de simples machines créées par le Céleste Arishem, la réflexion est ici portée par ce qui constitue un être humain, les sentiments que ce soit l'amour qu'éprouve Sprite pour Ikaris ou la tristesse qui touche tout le monde quand Ajak meurt ainsi que le libre arbitre qui leur permet de se rebeller contre les Célestes font des Éternels des êtres plus humains que certains humains. Ou encore ce que j'évoquais dans la partie précédente à propos de l'équipe est un message classique mais efficace sur la solidarité, nos personnages ne sont jamais aussi puissants que lorsqu'ils sont ensemble. Via le personnage de Sprite, la réalisatrice questionne sur l'importance d'une vie, d'une naissance à la mort et c'est bien cette dernière qui empêche les Éternels d'être des humains. Selon la réalisatrice, on partagera ou non le point de vue, on ne peut avoir une vraie vie sans qu'il y ait de mort, comme disait Damso : « Mais c'est quoi la vie ? Si ce n'est la mort que l'on nous accorde pour être en vie ». Sprite en a marre d'être éternelle, c'est ce qui l'empêche d'accéder à ce qu'elle veut, ce qui l'empêche de se sentir vivante. Un peu moins subtilement, Zhao s'attaque également au caractère belliqueux de l'Homme qui utilise la technologie de Phastos comme une arme et qui se bat avec ses semblables au lieu de s'assembler contre un ennemi commun (le Déviant) comme on le voit lors du flashback à Tenochtitlan.


Une fois de plus le MCU me convainc pleinement. Chloé Zhao a réussi à s'imposer dans cet univers grâce à son sens de la majestuosité des décors naturels, au traitement de ses personnages, à son scénario généreux qui nous fait voyager aussi bien dans le passé que dans le présent et enfin grâce au thème abordé qui se distingue du reste du MCU et qui est à la base d'une réflexion intéressante. Je n'ai pas parlé des scènes post-génériques mais rapidement je dirais qu'elles sont toutes les deux intéressantes et sûrement importantes pour la suite, pour le moment j'ai du mal à voir où tout cela se montrera. J'ai assurément hâte pour la suite, maintenant je veux voir les Éternels aux côtés des Avengers et je brûle surtout d'impatience pour le prochain film à savoir Spider-Man : No Way Home.

BestPanther

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