Dès les premières images, le décor est planté : femme de 50 ans, s'ennuyant devant son ordinateur pour un travail administratif quelconque, un verre d'alcool à la main, moquée par ses collègues plus jeunes et finalement virée pour avoir dit à son patron d'aller se faire foutre, la voici qui tente de s'en sortir en tambourinant à des portes qui refusent de s'ouvrir, traîne son malheur dans les bars pour finalement rentrer chez elle où seule une vieille chatte malade l'attend.
Rien de très glamour, donc. Et pourtant... le film nous entraîne dans un New York littéraire et artistique révolu, celui de la poetesse Dorothy Parker, des acteur et actrice Noël Conward et Fanny Brice, des noms aujourd'hui bien oubliés du grand public mais pas d'une certaine société littéraire à laquelle a appartenu notre cinquantenaire sans emploi et alcoolique. Car Lee Israel a connu le succès dans les années 80 pour ses biographies. Elle admire et se passionne pour les célébrités qui ont marqué New York dans les années 30 et 40, au point de maîtriser parfaitement leur style de langage et leur façon de penser.
Les ennuis d'argent qui s'accumulent, la rencontre fortuite d'un gentleman dealer sur le déclin et notre duo de faussaire est lancé ! Le film raconte avec sobriété comment l'idée de l'escroquerie a germé, la tournée des libraires et des collectionneurs. En parallèle, c'est aussi le récit d'une amitié chaotique de deux paumés magnifiques, alcooliques, drogués et malades, mais qui tentent malgré tout de garder leur superbe, très bien interprétés par Melissa McCarthy (Julianne Moore a un temps été pressentie pour le rôle) et Richard E. Grant.
Le tout à la sauce new yorkaise (belle photographie de New York sous la neige).
Quelques longueurs mais l'émotion est présente et les personnages sont attachants malgré (ou à cause de) leurs travers. Le film aurait pu accorder davantage d'attention aux célébrités d'une époque passée dont Lee Israel falsifiait les écrits mais qu'elle admirait et qui la fascinait. Endossant leur personnalité, leur verve et leur humour pour inventer des lettres qu'ils auraient pu écrire, Lee Israel estimait honorer leur mémoire et non les trahir. Ainsi qu'elle le déclare fièrement dans le film : "j'ai été une meilleure Dorothy Parker que Dorothy Parker elle-même !"
Lee Israel est décédée en 2014. Adapté de ses mémoires (publiés en 2008), le film rend un discret hommage à cette excellente biographe reconvertie en faussaire littéraire de génie.
Bien des années après l'affaire, convoquée pour faire partie d'un jury, elle répondit avec humour : "En tant qu'ancienne reprise de justice, je ne suis pas éligible à cette fonction. Qui a dit que le crime ne paie pas ?"
Une lettre qui pourrait à coup sûr trouver aujourd'hui sa place chez un collectionneur.