Les Félins ajoute une pierre à l'édifice à la fois homogène et contrasté de la filmographie de René Clément : c'est un réalisateur qui peut sous certains aspects être difficile à cerner tant ses films explorent des horizons à la fois similaires dans leurs thématiques (des études de mœurs, grosso modo) et différents dans leurs approches. Dans cette logique, le trio Monsieur Ripois (1954), Plein soleil (1960) et Les Félins (1964, bien qu'on puisse le croire antérieur au précédent) est particulièrement éloquent.
Le cœur du film s'insère très bien dans ce tableau, même s'il s'inscrit dans un contexte assez différent et presque maladroit, avec une histoire de gangsters américains qui pourchassent Alain Delon le butineur volage en guise d'introduction et de conclusion. Hormis quelques évocations de cette trame, l'essentiel de l'action se déroulera en quasi huis clos, dans la maison d'une riche veuve sur la Côte d'Azur. On navigue entre film noir et policier décontracté, entre sérieux et ironie, avant de se focaliser sur l'étude d'une relation à quatre à l'intérieur de la villa. Au sein de ce cirque sentimental, René Clément s'amuse beaucoup avec sa caméra mobile pour suivre les pérégrinations des uns et des autres, sur fond de musique jazzy — classique dans le genre.
Pour peu qu'on ne soit pas gêné par des invraisemblances presque constitutives, avec des gangsters qui disparaissent aussi vite qu'ils sont arrivés et des personnages simples ou calculateurs en apparence (des apparences forcément trompeuses), l'intrigue déroule son fil sans virtuosité mais sans mauvais accroc. La maison devient très vite un entrelacs de pièges tendus et de mensonges plus ou moins avérés, où chacun cherche à tirer la couverture à soi et à profiter au maximum de la situation dans une logique de progression dans l'intensité dramatique (avec révélation finale à la clé) plutôt bien dosée. La maison comporte un joli lot de miroirs sans tain, de passages secrets et d'ouvertures cachées qui en font un labyrinthe étonnant. Le jeu de cache-cache est permanent.
Le plus drôle, c'est sans doute de voir les hommes, à l'instar d'Alain Delon en grande forme dans son rôle fétiche de beau gosse léger en excès de confiance, se retrouver couillonnés de la sorte par des femmes comme Jane Fonda, magnifique dans son personnage de mante religieuse arrivée à maturité. Dommage que le rythme ne soit pas mieux travaillé (il y a quelques passages ennuyants) et les dialogues plus incisifs (la post-synchronisation n'aide vraiment pas dans ce sens).
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