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Cela commence comme dans un film de Woody Allen, au son d’une petite musique swing : Kym Vercoe, une Australienne de Sydney, décide d’aller visiter la Bosnie-Herzegovine. Une sorte de « Another Night In Sarajevo » qui va vite évoluer : sur les traces de Ivo Andric (Prix Nobel de Littérature 1961) et de son livre Il est un pont sur la Drina. Kym décide de poursuivre son voyage plus à l’Est, près à la frontière Serbe. A Visegrad.

Balade sur le fameux Pont Mehmed Pasa Sokolovic, séjour dans l’hôtel Vilina Plas. L’été est ensoleillée, la région magnifique ; pourtant Kym ressent un malaise indéfinissable qu’elle ne comprendra qu’une fois rentrée à Sydney, après avoir fait quelques recherches : Pendant la guerre de Bosnie, le pont a été le théâtre de centaines d’exécution et l’hôtel était un centre de rééducation pour l’armée serbe : comprendre que 200 femmes y ont été violées et certaines tuées. Comme le dit un des personnages du film : dans cette partie de la Bosnie, il est difficile d’échapper à la barbarie.
La réalité et la persistance de la mémoire s’immiscent donc dans le film, comme dans l’esprit de Kym : traumatisée a posteriori, elle ne pense plus qu’à ça et décide donc d ‘y retourner, six mois plus tard, pour essayer de remonter le fil de cette terrible histoire immédiate.

Les Femmes de Visegrad est à mettre en parallèle avec La Révélation (2011), traitant d’un sujet similaire. Le film de Hans-Christian Schmid prenait la voie d’un thriller politique et se référait au Tribunal Pénal International et à l’Union Européenne. Le film de Jasmila Zbanic (Sarajevo mon amour, le choix de Luna) adopte un point de vue nettement plus modeste : Kym est une simple touriste et les raisons d’oublier ce qui s’est passé à Vilina Plas ne sont plus d’empêcher la Serbie d’entrer dans l’UE, mais seulement de ne pas faire fuir ces nouveaux touristes qui viennent découvrir cette région. Pas de suspense, de coup de théâtre, Les Femmes de Visegrad se veut un témoignage pour ne pas oublier le sort funeste de ces femmes dans un pays amnésique. Le récit évolue à la première personne, par le biais d’un journal intime que l’Australienne filme avec une petite caméra vidéo. Le film a pour lui cette sobriété et cette sincérité de chaque instant : Kym Vercoe joue son propre rôle, celui d’une comédienne et metteur en scène, ayant déjà créée une performance théâtrale sur le sujet. Totalement impliquée dans le projet, elle a même co-écrit le scénario de ce film qui a été tourné dans les lieux mêmes de l’action, y compris dans cet hôtel de toutes les horreurs.

A Visegrad, Kym Vercoe ne rendra pas justice aux victimes, ne changera pas les mentalités (les anciens bourreaux sont encore vus comme des héros) mais elle aura permis de donner un semblant de dignité à des centaines de victimes oubliées. Beau film, si tant est que l’on puisse utiliser un tel qualificatif pour un sujet aussi dur.
denizor
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le 10 mai 2014

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