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Charmante comédie romantique empreinte de mélancolie, Les feuilles mortes, dernier film d’Aki Kaurismäki, nous raconte la rencontre de deux âmes solitaires, deux taiseux, Holappa et Ansa, dans le style caractéristique du réalisateur finlandais.

Film social notamment par la situation précaire des deux héros, il parvient à éviter toute surenchère voyeuriste et à toujours garder une grande légèreté, par le ton des dialogues, le bon mot toujours au coin des lèvres des personnages et l’humour pince-sans-rire omniprésent, par la mise en scène très chaplinesque dans la tenue des corps, et surtout par la couleur très marquée, une colorimétrie propre aux affiches de films des années 50 qui tapissent la devanture du Ritz. Clin d’œil nostalgique de la part du réalisateur ? Ces mêmes tons renforcent l’anachronisme entre une action censée se dérouler en 2024 et une décoration intérieure digne des années 60 (très peu d’éléments modernes sont montrés, même les portables pourraient dater d’il y a 20 ans).

L’aspect social et/ou politique du film est présent en toile de fond, les deux héros sont montrés proies de patrons sans scrupules mais parviennent à retrouver du travail en un clin d’œil. Kaurismäki filme des âmes perdues penchées sur leur verre de bière un peu à la manière de Bela Tarr, en laissant transparaître une immense empathie pour les petites gens, déprimés de noyer leur spleen dans l’alcool. L’alcoolisme est un motif récurrent du film, si ce n’est un de ses sujets, le plan d’Ansa allant acheter une bouteille de mousseux s’ouvrant sur deux adolescentes chacune une bouteille d’alcool à la main nous montre subtilement que personne n’est épargné. La guerre en Ukraine est mentionnée à plusieurs reprises, notamment lorsqu’Ansa écoute la radio puis finit par changer de station pour écouter de la musique. Peut-être que le propos du film est là : la musique, la possibilité d’une rencontre (d’un amour ?), comme respirations dans un monde étouffant et potentiels regains de vie pour ces feuilles que tout pousse à mourir.

Enfin, il faut saluer la performance des deux acteurs principaux, qui donnent une grâce immense au film par leur jeu tout en retenue et leurs émotions à peine discernables mais bien présentes. On sent un immense soin apporté à filmer le moindre sourire esquissé, le moindre sourcil froncé, briser ces carapaces en apparence que sont leurs visages, comme le miroir brisé nous montre celui d’Holappa et la pluie ruisselante sur la fenêtre celui d’Ansa. 

Gabagool
7
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le 30 mai 2023

Critique lue 458 fois

3 j'aime

Gabagool

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