Immédiatement, c'est l'intelligence et la complexité du dispositif qui impressionnent :
- l'histoire d'une mère et de ses quatre filles, dont deux sont parties au Liban pour rejoindre Daech.
- des scènes familiales rejouées face caméra avec la mère et ses deux autres filles dans leurs propres rôles .
- deux jeunes actrices engagées pour jouer les deux soeurs disparues.- une autre actrice qui joue le rôle de la mère dans les scènes trop difficiles à jouer pour cette dernière.
- enfin, un seul et même acteur qui interprète tous les personnages masculins (quelle idée géniale !).
Ce docu fiction hors normes alterne donc ces scènes rejouées avec leur making of, les confessions de la mère et de ses filles ainsi que des images d'archives tirées de journaux télévisés.
Un dispositif hors du commun qui peut donner le vertige, voire même s'avérer encombrant, allant jusqu'à faire s'interroger sur ce que la réalisatrice cherche à mettre le plus en avant dans son documentaire : ce qu'il raconte ou comment il a été fabriqué ? Elle prend en effet le risque de faire passer en arrière plan le propos, le spectateur pouvant se focaliser un peu trop sur la façon dont est construit le film et décrocher sur le fond. Pour ma part, j'ai trouvé que sa force était justement de faire de sa forme un sujet à part entière, venant appuyer son message.
Le fond justement...
Outre le propos politique, c'est ce que le film raconte de la condition féminine dans une société ultra patriarcale qui est passionnant : le poids de l'éducation reçue par cette mère et son incapacité à ne pas reproduire ce modèle sur ses filles, cette violence perpétuée de générations en générations et, de manière assez hallucinante, le choix de la radicalisation comme échappatoire.
Les scènes entre les quatre soeurs, de sang ou de cinéma, sont très fortes et font inéluctablement penser à Mustang ou Virgin Suicides. La complicité qui naît entre elles et la force qu'elles dégagent deviennent alors une vraie source d'espoir. L'espoir d'une émancipation qui viendrait enfin casser la boucle.