Quatres soeurs et une mère !

Par quel genre définir ce film ? Documentaire ? C'est peut-être un terme trop restreint pour cette œuvre. Disons que l'ensemble retrace l'histoire d'une famille tunisienne, composée d'une mère, Olfa, et de quatre filles. Les deux ainées de la sororie ayant "disparu" (euphémisme pour dire qu'elles ont fini le cerveau lavé par Daech !), ce sont deux comédiennes qui jouent leur rôle. C'est le cas aussi pour la mère lorsque la séquence risque d'être trop traumatisante à "rejouer"...

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J'ai essayé de résumer au mieux ce qu'est Les Filles d'Olfa de Kaouther Ben Hania. Quelquefois, dans cette tragédie familiale, s'invite une touche d'humour bienvenue, à l'instar de la nuit de noces, suivant un mariage forcé, entre le père (qui a vite fuit ses responsabilités, endossant juste le rôle de géniteur minable !) et la mère, ayant tout pour déboucher sur un viol conjugal, pour finalement se terminer, d'une manière surprenante, par une situation qui n'aurait pas détonné dans une comédie.

Mais, c'est clairement le drame qui règne. Il y a le portrait de cette mère, complexe, courageuse physiquement (n'hésitant pas à taper avec ses poings pour protéger son foyer, car celui-ci, composé uniquement de femmes, est une proie idéale !) décrite sans complaisance (notamment à travers des discussions avec l'actrice, Hend Sari, qui lui prête ses traits de temps en temps !), sans que le manichéisme fasse pour autant son apparition. De ses rapports, pouvant être aimants, brutaux à l'excès, inconséquents (quelle idée de mettre sa progéniture en contact avec son amant, criminel évadé !) inévitablement imprégnés de patriarcat séculier, avec ses filles.

Et par ce biais, en toile de fond, se dessine le portrait de la société tunisienne. D'abord, celle de l'époque de la dictature de Ben Ali, beaucoup occidentalisée dans les apparences, bien inégalitaire, les plus pauvres ne mangeant pas à leur faim (aspect difficile de l'existence que les quatre sœurs réussissaient à prendre en dérision pour tenir le coup !), lors de laquelle le plus petit signe d'appartenance religieuse était prohibé, avant que la révolution change complètement la donne et que la religion profite du chaos, d'une jeunesse déboussolée, pour faire un retour en force, sans la moindre limite, pour le pire et le pire... Le port du voile, qui n'était au début qu'un acte de rébellion adolescente, va se transformer en un fanatisme effroyable, au fur et à mesure que le tissu couvre de plus en plus le corps et le visage. La dictature de Ben Ali, un moindre mal ? Si la question se pose, c'est que la société tunisienne est vraiment malade.

Si le film expose beaucoup de son dispositif (n'évitant pas entièrement la confusion dans les façons dont sont relayés les événements !) lors de la première moitié, les véritables protagonistes de l'histoire (donc la mère et les deux filles cadettes, ces dernières sauvées in extremis du "loup" quand un État a consenti finalement à aider un parent à soustraire ses enfants au danger !) se laissent de plus en plus prendre au "jeu" pour retracer le malheur qu'elles vivent toujours, comblant par leur fougue, leur énergie et leur esprit de liberté, le poids difficile à supporter des deux absentes.

L'ensemble, par la tragédie familiale qu'elle raconte, par son dispositif narratif peu commun, par ses actrices de leur propre existence, par ses portraits nuancés, par sa toile de fond peu reluisante de la société tunisienne, dégage une impression forte.