Olfa est maman de quatre filles, seule à s'occuper de leur éducation (le valeureux papa a préféré s'enfuir devant l'absence d'héritier mâle...), elle a un caractère très entier, très ferme, très pieux et respectueux des versets du Coran. Mais Olfa est surtout une mère meurtrie, depuis que ses deux aînées se sont faites embrigader et ont rejoint le Djihad. Ce qui était de la fierté de voir ses filles si pieuses, s'est transformée en crainte d'un aveuglement dangereux pour elles et pour les autres, et leur disparition a plongé la conscience de cette mère dans la culpabilité, dans le regret, le remords, l'incompréhension. Les Filles d'Olfa est une histoire de femmes endeuillées de leurs filles et sœurs, donnant la parole à celles qui souffrent, et reproduisant le drame via un procédé d'illustration émouvant (des actrices jouent les rôles des aînées, et interagissent avec les cadettes et la mère). Difficile de ne pas être en colère contre un système qui lave le cerveau de jeunes proies facilement impressionnables, difficile de ne pas être triste pour celles qui restent, difficile de ne pas être impressionné par le travail de reconstitution qui a demandé un effort émotionnel digne d'un calvaire pour les cadettes et la mère. On ne sait pas vraiment quoi penser de la demande de rapatriement (en même temps, cela ne nous concerne pas), mais cela a au moins l'effet de nous interroger sur le sujet éthique d'une telle démarche. On apprend vite à connaître cette mère au tempérament sévère (la scène du "dépucelage marital" nous a fait pleurer de rire, quelle femme !) mais passionné pour ses enfants, ces deux aînées qui ont été emportées par la haine de leur prochain (un constat désolant), et les cadettes qui, pour compenser, explosent les règles restrictives et osent la liberté. Une large palette d'émotions, un dispositif filmique original et compliqué pour les intervenants, un message d'alerte très fort sur l'embrigadement, Les Filles d'Olfa est une expérience humaine vive.