Entre rires et pleurs, Kaouther Ben Hania nous narre l'histoire, de manière originale, d'une famille tunisienne touchée par la détresse des départs de deux des quatre filles pour Daech en Libye. Pour ce docu-fiction, il était primordial de récolter les témoignages de la mère Olfa avec laquelle on suit son évolution que ce soit dans l'éducation qu'elle donne à ses filles ou dans sa réflexion sur la motivation de la radicalisation de ses deux filles. Ces deux dernières quittent un cocon familial bouleversé par une figure paternelle violente ou absente pour se "faire dévorer par le loup".
La réalisatrice et son équipe de tournage refait vivre à cette famille courageuse - où la figure féminine est considérable et réelle - les tourments que j'ai pu cités juste avant. La mère, Olfa, corrige les acteur.rice.s quand une scène ne lui convient pas. C'est ce qui peut faire la force du film mais aussi sa faiblesse montrant que la réalisatrice n'a plus le contrôle sur son film. Néanmoins, c'est bien l'histoire d'Olfa et de ses quatre filles qui est racontée et il est donc légitime de voir la mère en position de force. Il est, de plus, intéressant de voir l'éducation et son importance dans l'évolution et le développement des filles d'Olfa. Même si les débats puérils entre Olfa et Kaouther ne sont pas frappants.
Les actrices, qui jouent (et ne remplacent pas) les filles parties en Libye, sont excellentes même si elles n'ont pas connu ce processus de radicalisation des deux aînées. À contrario, les deux cadettes ont, elles, connu ces événements familiaux troublants et trouvent des forces conséquentes pour pouvoir rejouer des scènes de leur vie. Ce qui fait encore plus le charme du film de Ben Hania.
Force est de constater que le travail de la photographie est méticuleux, remarquable et permet de plonger le spectateur dans cet univers familial loin d'être joyeux. Le montage est si bien travaillé entre scènes rejouées et témoignages ; et la musique est loin d'être caricaturale d'un documentaire larmoyant où les émotions doivent surgir.