A contre courant de tout ce que j'ai eu l'occasion de voir en matière de science-fiction et d'anticipation, Les Fils de l'homme est un film porteur de bravoure et porté par l'exacerbation de son réalisme.
Dans le monde de Théo, ce cher Alfonso Cuarón fait le choix judicieux de ne pas montrer un futur, mais d'y reconnaître un présent, qui est certes insoutenable, mais qui est criant de propos universels. Au feu les demi-mots, je n'ai pas peur de dire que ce film est un diamant brut qui brille de tous les éclats techniques, visuels et émotifs que le septième art est capable de nous offrir. Je ne vais pas lésiner sur les superlatifs, vous m'excuserez d'avance.
Par-dessus tout ça, force est de constater qu'il fait partie de ces films qui jouent avec la corde sensible, celle-ci peut tordre le spectateur, le morfondre dans les idées qu'il avait au préalable, ou à contrario le laisser nonchalant. Et à l'image des personnages, plutôt que de fuir, c'est en se jetant dans le chaos de la guerre que ces personnages trouvent le chemin salvateur, celui qui les mène à la délivrance. Il y a des émois qui s'agitent, des pleures qui crisent, des pertes qui attristent. Mais il ne faut surtout pas s'arrêter, c'est ainsi qu'ils peuvent se rassurer. Ce n'est pas uniquement leur propre destinée qui est menacée, c'est celle de toute l'humanité.
L'esthétique très travaillée de cet univers crasseux inondé de pouilleux, où le sentiment d'insécurité constante détrogne les visages d'humains, s'allie avec la contingence du scénario. Et également avec cette mise en scène substantielle du parcours d'un homme désabusé.
Les mouvements de caméra sont épatants, et Dieu sait que je ne suis pas un grand amateur du style "caméra-à-l'épaule". Ici, ils sont toujours au service de la narration, et ils ne sont pas là pour impressionner qui que ce soit, mais plutôt pour nous plonger davantage dans le feu de l'action.
Alfonso Cuarón est donc tout sauf un bleu, il est surtout du genre à te bastonner en te laissant des bleus qui ne se voient pas mais qui se sentent. Dans ce futur qu'il illustre parfaitement, les gens que côtoie Théo n'ont pas le sang bleu, ils ont une peur bleu. La peur de ce qu'il peut ou de ce qui va leur tomber sur la gueule et ce, indépendamment de leur volonté. Et c'est justement dans la gueule du loup que Théo trouve la voie. Du grand cinéma.