Au royaume du n'importe quoi, je demande un prince numérique
Bon, si vous ne l'avez pas vu arrêtez ici votre lecture et revenez après.
De temps en temps je quitte ces vieux classiques pour me frotter à des films récents, vous savez ceux qu'il faut voir avec un blu-ray qui va bien , le THX qui déchire (et peut nous éclater les tympans), l'écran plasma. Là on est en condition pour savourer ces nouveaux films dont par la suite les bombes nous donneront l'impression qu'on a vécu une guerre civile, qu'une balle nous a frôlé l'oreille,etc. Du spectacle du vrai qui ferait passer les Lang, Wells, ou Alfred pour des amateurs qui créaient des films avec du scotch, un peu comme ces premiers typographes Bodoni, Garamont (oui avec un t, le d c'est pour sa typo), ces typographes donc préhistoriques qui passeraient pour des bricoleurs face au génie numérique.
Donc, j'ai vu Avatar, le spectacle pour enfant à la sauce Pocahontas ne fut presque pas désagréable et là je me dis qu'un Blu-ray avec un film dont le thème S-F semble si pertinent, adulte, mature est prometteur, cela peut valoir le coup.
Non là ça ne rigole pas, le procréation est en panne, les cinq premières minutes sont éblouissantes, l'humanité face à l'absence de renouvellement qui la rendait immortelle (selon les concepts d'Arendt) la mène à sa vacuité. Dès lors on s'attend à tout, très bon tout ça : ceux qui se fouettent en espérant la rédemption, ceux qui renoncent, etc.
Et puis le bombe explose, Ok. Ça y est, le numérique va prendre le pas peu à peu et nous noyer dans le spectaculaire.
Ah oui ce sont ceux qui soutiennent les réfugiés ou expulsés qui balancent des pierres contre les trains, qu'on retrouvent dans des cages nazis, holocaustiques...
Bon, bon, pause. Quel rapport ? La crise doit mener au racisme, aux camps de concentration. Pas grave je continue. La suite va bien encore : le héros va enfin rencontrer LA femme enceinte qu'il devra sauver. Pris d'un élan messianique, il va parcourir tel un conte sombre toutes les landes cauchemardesques pour que la vierge Marie, ah non, c'est vrai elle n'est pas immaculée, puisse rejoindre où ne sait qui qui redonnera à l'humanité sa raison d'être et un avenir.
C'est beau !
Non, c'est vrai au milieu de la boue, des chiens crevés, de la bestialité des humains qui sombrent dans la démence collective (et oui les immigrés ont prit les armes et ils se vengent, tirent des balles dans la tête de quiconque. Bref un vrai Ballard. J'aime Ballard, mais lui avait la cohérence pour lui.)
Par exemple, les trois fugitifs à un moment donné passe un point de contrôle où certains sont sortis des bus pour être cagoulés et fusillées d'une balle dans la tête (encore). Pourquoi on ne sait pas, il faut purger sans doute. Pas besoin d'explications au fond, c'est l'anarchie, il n'y a plus de sens, il ne faut pas chercher à comprendre les gens ne s'aiment plus, ne croit plus (ah si là aussi un groupe avec des Allah akbar qui tirent en l'air, les rastas ne prônent plus l'amour, etc) Aaah tous les clichés sont bons, toutes les peurs, et le méchant fou furieux est déçu quand on lui dit que c'est une fille. (Tiens une référence au nouveau prophète)
Puis à la fin le héros au milieu des balles dont le destin l'épargne (puisque lui-même ne tient jamais une arme) sort avec sa jeune maman dont les pleurs du petit qui a eu mal aux tympans (ben oui pour un nourrisson de 2 jours qui passe à deux mètres de tirs au mortier et de tanks) fait tomber la violence dans un moment de révélation, ce moment magnifique où toutes ces gueules d'abrutis de militaires baissent les armes et contemple la vie. C'EST BEAU !
Mais oui le grand moment prophétique où nous nous retrouvons face à la vie dans l'obscurité du grand soir, quand le pire de nous même se retrouve face à la réminiscence du beau, du vrai, de l'essentiel. C'est limite platonicien, limite catho. Le film aurait pu finir sur un happy-end universel (et la nouvelle de l'espoir arrêta toutes les guerres civiles du monde et les humains se tournèrent vers la reconstruction)...
Mais voilà un con tire quand même par la fenêtre et les militaires tels des poissons rouges à la mémoire de deux secondes se détournent et atomisent le bâtiment rebelle. Zappé le miracle...
Puis le héros va quand même mourir à la dernière seconde, eh bien oui, dans la culture mainstream du grand soir, quel intérêt qu'il survive.
C'était quoi le thème au départ : ah oui la stérilité de l'humanité ! J'ai cru que c'était un film contre le FN ou Sarkozy ou tous les élans identitaires et protectionnistes (les premiers seraient bien entendu les anglais à fermer les frontières, une résurgence insulaire nationaliste, bien sûr)
Bon plus techniquement :
Les personnages charismatiques : ...mmmh, même Lost est mieux joué,
les plans-séquences de «malades» : tout repris en numérique, ah le bébé numérique déchire, l'acteur au départ tenant un truc en plastique (c'est toute la beauté du film que de rendre hommage à la vie naissante en le numérisant)...
Les taches de sang sur la caméra pour faire plus réaliste créent un effet TF1.
Ah puis j'arrête là, je perd encre du temps à parler d'un film spectacle-cliché qui se veut réaliste et dont le sens est passé dans le chiotte numérique.