Malgré une nomination à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère, cette adaptation soviétique du dernier roman de Dostoïevski est totalement tombée dans l'oubli aujourd'hui (excepté peut-être en Russie, mais en toute franchise, je ne le sais pas !).


Commencé par Ivan Pyriev, décédé brutalement pendant le tournage, terminé par les deux acteurs principaux du film, Kirill Lavrov et Mikhaïl Oulianov, l'ensemble dure près de quatre heures, divisées en trois parties d'une durée à peu près égale. Je serai incapable de dire ce que Pyriev a réalisé ou non, car l'ensemble est uniforme que ce soit le plan technique que sur le ton adopté (il semblerait, en fait, que les comédiens ont principalement réalisé la troisième partie !).


Techniquement, l'oreille peut difficilement passer à côté d'une bizarrerie sonore lors de deux scènes ; au tout début de la première partie (soit du film entier !), dans laquelle on entend des moines psalmodier tout en marchant dans la rue, et lors d'une fête improvisée dans une auberge, vers la fin de la deuxième. On a l'impression que le son de ces groupes d'êtres humains sort d'une espèce de synthétiseur détraqué et non pas de plusieurs bouches ou instruments. Mais, passons, cela n'entame en rien le plaisir, cela fait juste bizarre.


Pour rester toujours dans le technique, on peut évoquer une belle photographie, très caractéristique du cinéma soviétique de l'époque, où les couleurs chaudes sont assez agréablement combinées à d'autres de type pastel. Dans cette optique, les quelques rares scènes extérieures de cette adaptation, beaucoup basée sur les décors intérieurs et sur les discussions, sont vraiment plaisantes pour l’œil.


Pour ce qui est du ton, il est à croire que seuls les Russes (ou les Soviétiques !) peuvent réussir à vraiment bien adapter Dostoïevski, à insuffler toute cette folie, cette grandiloquence, cet excès, cette possession du feu du diable, que l'on retrouve dans les œuvres de l'auteur et n'apparaissant que comme de la normalité ici. Une telle attitude dans n'importe quel pays ne serait convaincante que si l'action se passait dans un hôpital psychiatrique, ici, c'est juste l'âme russe qui vous arrive en plein dans la tronche avec toute sa violence.


Cette âme, impossible à saisir, que l'on doit prendre telle qu'elle est, donne une grande force d'évocation au tout et fait que les presque quatre heures passent comme un souffle. Dostoïevski, c'est universel, mais c'est si profondément russe, ce film est universel, mais c'est si profondément russe. Vous voulez de la Russie, ce film est fait pour vous.

Plume231
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le 10 mars 2020

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