LES GARÇONS SAUVAGES (15,8) (Bertrand Mandico, FRA, 2018, 110min) :
Cet étonnant conte fantasmagorique transgenre narre le destin de cinq adolescents de bonne famille venant de commettre un crime et repris en main par Le Capitaine pour une croisière rigoureuse sensée remettre les jeunes hommes dans le droit chemin, jusqu'à leur échouage sur une mystérieuse île sauvage. Le singulier réalisateur français Bertrand Mandico, jusqu'ici reconnu pour ces courts-métrages aux univers radicaux et dont certaines créations filmiques font l'objet d'expositions et d'installations livre sa première fiction inclassable Les garçons sauvages. Son passage au long métrage était très attendu vu le parcours passionnant de cet artiste multi-supports. Cet ofni cinématographique semble être un film somme de toutes ses obsessions, en particulier sur l'hybridation de genres. Dès l'introduction, par une voix off féminine assez solennelle et le format d'images façon vignette en 4:3 arty en noir et blanc ou colorée, le spectateur se trouve dérouté vers un monde inconnu où le réalisateur nous embarque. Avec Bertrand Mandico il faut avoir le pied marin pour ne pas rester à quai, ne pas avoir peur de hisser les voiles de notre esprit trop cartésien et se laisser glisser vers cette fable dérangeante qui accompagne ces sales gosses tout d'abord vers leur procès puis vers leur transformation.
Le cinéaste opte pour une mise en scène transgressive baroque et onirique en somptueuses saynètes qui regorgent d'idées. Comme dans un shaker le cocktail Mandico utilise de multiples ingrédients et références des livres d'aventures de Jules Verne, des poètes et écrivains Genet, Cocteau, Burroughs, des images pops pleines de peps de Pierre et Gilles ou cinéphile Querelle (1982) de Rainer Werner Fassbinder et Sa majesté les mouches (1963) de Peter Brooks notamment, chaque plan déverse des montages, collages et surimpressions innovants. Le spectateur brinquebalé se laisse petit à petit envahir par l'atmosphère de cette île de plaisirs, à travers cette nature luxuriante où les plantes s'apparentent à de superbes formes phalliques, les fruits poilus ressemblent à des testicules (voire une fois ouvert à un sexe féminin), bouffés avec gourmandise par les protagonistes. Bertrand Mandico nous offre un lieu enivré par de nombreuses jouissances qui jaillissent d'une végétation très exotique.
Par le biais de ce récit très foisonnant malheureusement trop long, Bertrand Mandico déploie une narration chimérique, onirique et orgiaque où le plaisir des corps questionne l'identité sexuelle en donnant un point de vue mettant à mal la virilité masculine emplie de violence. Le cinéaste bouscule sacrément le rapport homme/femme par une vertigineuse idée scénaristique pour faire de cette expérience ludique une vraie problématique contemporaine sur la question de genre et donne ainsi à son film singulier, un l'esprit viscéralement queer réjouissant. Ce délicieux long métrage rempli de trouvailles pas toujours très fine dans la symbolique est accompagné par une partition musicale mélancolique de Pierre Desprats ponctuée par des morceaux multigenres (Naturträne de Nina Hagen, Es war einmal de Cluster, Barcarolle d'Offenbach...) venant caresser les corps d'éphèbes lors d'étreintes charnelles et sexuelles.
L'intrigue un poil naïve est transcendée par le choix du casting se dévoilant de façon surprenante à mesure que le film avance vers une réinvention du genre, où les identités se superposent avec naturelles, sous nos yeux ébaubis par cette pirouette surprenante. Venez perdre vos sens dans cette fantaisie radicale en faisant connaissance avec Les garçons sauvages. Érotique. Troublant. Audacieux.