Dans un marigot de médiocrité, il est facile de surnager. Peut-être est-ce pour cela que les Gardiens de la Galaxie : volume 3 nous est instantanément sympathique. Marvel, dont il est le trente-deuxième film, ne produit plus que des copies indigentes. Le tourbillon pop et acide des Gardiens ne peut donc que détonner. A fortiori si les effets spéciaux sont aboutis et les scènes d’actions lisibles – le minimum syndical, certes, mais, à Hollywood, c’est désormais loin d’être une évidence.
Non pas que la bande à Star-Lord, Gamora, Drax, Mantis, Nebula, Rocket et Groot échappe aux considérations économiques et industrielles. C’est un blockbuster et il cassera probablement bien des baraques au box-office mondial.Mais les Gardiens de la Galaxie, adaptés d’un comic assez confidentiel sorti à la fin des années 1960, ont toujours occupé une place à part chez Marvel. À l’image de ces héros, la trilogie réalisée par le facétieux James Gunn se complaît à la marge, ne se souciant guère des ambitions de méga-saga (le Marvel Cinematic Universe) où tous les films doivent se répondre.
James Gunn reste à hauteur de ses personnages. Il les aime et ça se sent, tant il les dote d’une vraie épaisseur tragique. Il suffit de cela, presque rien, pour que l’on n’ait pas l’impression d’assister à un ballet de figurines désincarnées agitées sous notre nez. On souscrit donc à cette décharge survoltée de couleurs et de musiques, nouvel hymne à la marginalité et aux freaks en tout genre.
Les Gardiens sont tous des gueules cassées de l’existence, leur humour pataud masquant mal des âmes déglinguées par divers traumas. En toute logique, les méchants du film incarnent leur négatif. James Gunn crache son dédain pour les figures de surhommes trop lisses, piétinant le personnage de Warlock, un « Superman » à la peau dorée bien connu des fans, volontairement réduit à un rôle de crétin à sa môman. Quant à Chuck Iwuji, il campe le Maître de l’Évolution, grand timbré, savant fou obsédé par la perfection mais condamné à créer des êtres imparfaits. Avec les excès de cet antagoniste, le long métrage déploie un discours acide, quoiqu’un peu superficiel, sur le transhumanisme, les limites du progrès technique et la maltraitance animale.
Autour du Maître s’affiche aussi un bestiaire dingue, façon l’Île du docteur Moreau de H. G. Wells, alors qu’une scène de braquage de l’un de ses quartiers généraux nous fait découvrir une version dystopique d ’Il était une fois la vie. James Gunn malaxe la pop culture, ce grand bain de références qu’il aime brasser en y ajoutant sa science du cradingue et du malaise, sans jamais rien sacrifier à la dramaturgie. Intelligemment, ce volume 3 délaisse Star-Lord, le héros des deux premiers volets, orphelin déraciné, pour centrer les enjeux sur le raton laveur Rocket, jusqu’ici relégué en second rôle comique. Cobaye du Maître, dont il est une expérience ratée, le rongeur, grignoté par la haine de lui-même, est rattrapé par ses démons. Il est le moteur émotionnel principal d’un film qui n’hésite pas à livrer quelques séquences cruelles et trash, loin de l’impératif commercial du « 6 ans et plus » qu’impose généralement Marvel. Pour une fois que le public n’est pas infantilisé…