Fluctuat nec mergitur : littérature ou réalité historique ? Cette comédie méconnue de Monsieur Cinéma se charge de nous rappeler la devise de notre capitale au gré d'une fable tour à tour burlesque et surréaliste opposant le modernisme à ciel ouvert du Paris des années 70 et l'atemporalité poétique de ses innombrables souterrains.
A renfort de références quasiment encyclopédiques Pierre Tchernia reconstitue tout un imaginaire culturel intrinsèque à Paris : entre monuments historiques de renom et venelles inconnues, boulevards reconvertis en chantiers urbains ou encore catacombes éclairées par une lumière granuleuse Les Gaspards fait figure d'authentique déclaration d'amour à la métropole française.
Si le film s'avère un tantinet suranné dans sa technique cette même patine confère un charme assez savoureux à l'ensemble, superbement mis en valeur par un casting de tout premier choix : ainsi Michel Serrault transmet son plaisir de jouer avec l'imagination et l'intelligence d'un petit garçon, génial en libraire déguisé en poilu de la première Guerre Mondiale ; Galabru ne s'amuse pas moins que son comparse en incarnant un commissaire de connivence avec le gouvernement, gouvernement lui-même représenté par un Charles Denner drôlement aigre et plutôt dérisoire ; on trouve également un Gérard Depardieu fraîchement sorti de l'expérience des Valseuses, crevant littéralement l'écran dans la peau d'un facteur espiègle et large, mais aussi un Philippe Noiret magistral en maître de cérémonie occulte et épicurien...
Clairement ancré dans son époque ( nous sommes alors aux portes des années Giscard ) Les Gaspards rejoint beaucoup l'oeuvre hugolienne ( en ce sens les cavités souterraines renvoient directement à la Cour des Miracles de Notre-Dame de Paris, étonnante autarcie de marginaux et autres laissés-pour-compte ) et la truculence des romans de Rabelais. Un film amusant, certes un tantinet vieillot mais dégageant une telle sincérité que le résultat tient davantage de la réussite que du ratage. J'aime bien.