Le seul film de Michel Cournot, alors critique cinématographique au Nouvel Observateur, qui a joué d'une double malchance. La première, c'est de ne pas avoir pu être projeté au Festival de Cannes alors qu'il faisait partie de la sélection, où il aurait pu éventuellement se faire remarquer sur le plan international. Mais, bon, on était en mai 1968, donc... La seconde, c'est tout simplement que lors de sa sortie en salles, il a bidé auprès du public. Donc plus de long-métrage signé Cournot après cela.
Est-ce que cela aurait changé grand-chose si le film avait été projeté comme prévu ? On ne pourra jamais le savoir. Par contre, ce que je sais ou plutôt ce que je pense, c'est que le film est mauvais.
D'abord, quand on choisit un gamin comédien, on essaye d'en sélectionner un dont on arrive à comprendre plus d'un mot sur dix. Là, j'ai l'impression d'entendre Donald Duck avec des cailloux dans la bouche. Heureusement (si le môme avait su un minimum ar-ti-cu-ler, j'aurais dit "malheureusement" évidemment puisque son rôle est censé être important pour le récit !) que son personnage est sous-exploité.
Ensuite, c'est formidable d'avoir Annie Girardot, Bruno Crémer et François Périer (ce dernier hors-champ dans une référence cinéphile intelligente, la seule qui le soit du film d'ailleurs, au Quatre Cents Coups de Truffaut !), qui donnent les trois seules scènes puissantes, donc intéressantes, dans les interminables 93 minutes qui constituent l'ensemble. On peut dire "merci" à leur grand talent de comédien pour sauver ces quelques instants, parce que eux aussi sont sous-exploités ici. Et cette fois, j'ai envie d'ajouter "malheureusement".
Autrement, je comprends bien que le titre fait référence au côté très bon marché de la marque de cigarettes qui lui donne son nom, que c'était celle qui était achetée par les prolos (je me rappelle que pendant mon enfance, avant que de se provoquer sciemment un cancer des poumons n'en vienne à coûter les yeux de la tête, le prix d'un paquet était d'environ 10 francs, alors qu'est-ce que cela devait être en 1968... !).
Donc, on suit un couple de prolos joué avec autant d'émotions que des zombies par Jean-Pierre Kalfon et Nella Bielski qui vont avoir un enfant, le tout entouré d'un symbolisme, dans le choix des décors, dans la manière de cadrer (très influencée par Godard, avec ses plans fixes d'un personnage devant un papier peint uniforme !), même dans le générique de début, trop abscons pour que le sujet traité, à savoir une vision sombre et pessimiste de la paternité dans les milieux modestes, puisse être bien exploité, puisse donner lieu à des personnages profonds, à bien montrer leur évolution.
En gros, des choses évidentes pour que le spectateur s'investisse un minimum dans ce qu'il voit, ressente quelque chose (enfin, en dehors d'une sensation d'endormissement !). Mais à la place, c'est la prétention qui règne. Et qui dit "prétention" dit souvent "vide" dit souvent "ennui". Oui, à part quand les rares fois pendant lesquelles les Girardot, Périer, Crémer peuvent montrer qu'ils sont de grands comédiens, je me fais chier profond. Aussi profond que l'oubli compréhensible dans lequel ce film et son auteur sont tombés.