Durant cinq mois de la campagne présidentielle de 2012, Yves Jeuland a filmé le quotidien de la rédaction du journal Le Monde. Tout comme Le président, son précédent documentaire sur Georges Frêche, il réussit à être d'une grande discrétion, et les gens semblent oublier qu'ils sont filmés, y compris lorsqu'ils prononcent des énormités.
Voir ce film en 2019, c'est aussi se rendre compte qu'en sept ans, le traitement de l'information a énormément changé, en particulier avec l'arrivée des réseaux sociaux, en particulier Twitter, où tout y est dit sans le moindre recul. On voit avec méfiance l'arrivée de l'oiseau bleu, certains ne comprenant pas son intérêt, d'autres y voient une manière de supprimer les blogs... Quelque part, c'est aussi la lutte entre l'ancienne garde, le papier, face à une nouvelle génération de journalistes.
On le voit dans les moments où sont filmés les comités de rédaction, avec le directeur de la publication Érik Izraelewicz (qui mourra peu de temps après, le film lui sera dédié) qui s'inquiète de la baisse des ventes du journal.
Je ne lis pas spécialement Le Monde, mais étant un amoureux de la presse écrite, je trouve fascinant de voir comment se crée un journal, un quotidien en l'occurrence, où le siège a l'air d'être une ruche en bourdonnement ; l'écriture d'articles, l'arrivée du dessin de Plantu, la demande d'information, voire des sources qui balancent leurs scoops... Il y a aussi un passage assez dingue où, à la suite d'un malaise de Michel Rocard, on s'interroge sur sa nécrologie, et sur le fait qu'il puisse décéder juste avant le bouclage du journal, car l'information ne pourrait pas paraitre le jour même ! Dommage pour eux, il sera décédé quatre ans plus tard...
Enfin, car c'est le cœur de l'actualité du moment, une large part du documentaire concerne les présidentielles de 2012, avec plusieurs apparitions du candidat François Hollande, où celui-ci passe à la rédaction. C'est d'ailleurs amusant de constater que, malgré les propos d'Érik Izraelewicz qui veut que Le Monde soit un journal apolitique, on sent que les propos sont clairement orientés à gauche, ou du moins égratigner la campagne de Nicolas Sarkozy.
Malgré sa courte durée, et qu'il n'y ait pas de personnage de la stature de Georges Frêche, je suis admiratif du travail d'Yves Jeuland à se rendre ainsi invisible, avec quelques efforts en termes de mise en scène. Passionnant !