Iran, années 2020. La jeune Mahsa Amini vient d'être tuée par les policiers suite à son arrestation.
Une famille qui parait normale. Le père Iman (Misagh Zare) a quelque chose à annoncer à sa famille. Ils vont au restaurant. Un restaurant où chaque famille est isolée des autres. Il va devenir juge. La mère Najmeh (Soheila Golestani), une femme au foyer, est aux anges. Il explique à ses deux filles, Rezvan (Mahsa Rostami) et Sana (Setareh Maleki) que leur vie va changer. Elles ne pourront plus se comporter comme avant, ni fréquenter qui elles veulent.
Comme le statut de juge est dangereux, on confie une arme à Iman pour se défendre. Un soir, il l'oublie dans la salle de bain, et sa femme la range dans un tiroir de la chambre. Sauf que plus tard l'arme disparait. Qui a fait le coup ? ça coïncide avec la venue d'une amie des filles, blessée lors des manifestations, mais ce sont les filles qu'on suspecte. Elles nient en bloc.
Le collègue d'Iman lui explique que s'il a perdu son arme au bout de quelques jours seulement, sa crédibilité risque de prendre un sacré coup et il pourrait perdre son travail. La tension monte dans la famille.
On assiste finalement dans le film à la manière dont le régime dictatorial iranien, cette théocratie où l'on n'a pas le droit de boire de l'alcool mais où on boit du coca cola et on fume des cigarettes (seules choses autorisées) s’immisce dans toutes les relations interpersonnelles, et ici dans celles qui régissent les membre d'une famille jusqu'à la faire imploser. Plus le film avance, plus il devient théâtral. à la fin, on a vraiment l'impression d'assister à une tragédie grecque avec métaphores à la pelle. Le juge, pour retrouver l'arme disparue emmène sa famille à la campagne et va reproduire les dispositifs mis en place par le régime lui-même sur sa famille en les enfermant. Mais l'une des filles, celle qui a pris l'arme va réussir à s'échapper. Et c'est là qu'on sait que la tragédie qui était déjà bien avancée est inévitable.
On peut apprécier ou non le véritable changement de registre à la fin du film pour le théâtral qui fait un contraste avec un début plutôt réaliste (même s'il y a quelques incohérences). Il aurait par exemple suffi que les parents disent aux filles que c'est leur amie qui a pris l'arme et qu'elle va être pendue pour qu'elles la rendent immédiatement ... Mais ce n'est pas la logique ou le réalisme que Rasoulof recherche ici, mais la mise en place d'une tragédie vers la théâtralité et le symbolisme pour reproduire les éléments clés et parfois spécifiques de la dictature iranienne. Quoi qu'il en soit, c'est un film très riche avec des comédiens excellents.
Je trouve la toute fin pour ma part en eau de boudin avec la chute de l'homme. S'ensuivent des images des femmes qui enlèvent leur voile.
Dans La vie sur l'eau Rasoulof utilisait la métaphore du "capitaine" d'un bateau à l'arrêt régissant la vie de tous ceux qui habitent sur ce bateau et devenant un vrai petit dictateur et vendant même le matériau dont est fait le bateau, métaphore faisant clairement référence au régime iranien. Dans Le diable n'existe pas, Rasoulof critiquait le régime par le biais de 4 petites histoires sur la peine de mort. Ici, encore un film iranien qui critique le régime, et si, ici, la peine de mort est présente (le juge doit signer des condamnations à mort sans véritablement examiner les dossiers tellement il y en a à signer), elle n'est pas centrale, cette fois sous l'angle de la famille (et de son implosion) qui est sans doute l'un des plus intéressants et qui, malgré quelques petites maladresses ça et là reste très réussi.