Les Graines du figuier sauvage est, à juste titre, une œuvre d’enfermement qui correspond à la fois aux conditions de réalisation, le cinéaste ayant dirigé son film derrière les barreaux d’une prison, à la topographie privilégiée, puisque nous passons de l’appartement fourni par l’État à la maison natale, et au souci manifesté par la caméra d’être au plus près des personnages, eux-mêmes victimes d’un étouffement idéologique. Mohammad Rasoulof aborde la famille comme une cellule de crise où se répercutent les exactions et les injustices du gouvernement révolutionnaire de Téhéran : la figure du père, tour à tour fragile et brutale, incarne un patriarcat qui grandit et s’affirme à mesure qu’il se sait ébranlé, ayant face à lui trois femmes regardée d’abord à la façon de repères, de bornes de définition de l’identité paternelle, puis telles des manipulatrices soucieuses d’outrager les mœurs et de l’atteindre dans sa virilité.
La clausule projette les protagonistes dans un espace domestique en ruine, somme de maisons troglodytes qui offre un terrain de jeu à une partie de cache-cache terrifiante, synthétisant à elle seule la défiance et l’état de prédation régnant dans le cœur d’Iman qui manquent de contaminer épouse et enfants – d’où l’image des « graines » portée par le titre. La marche du long métrage passe ainsi de la concrétude la plus complète, dans la mesure où la première partie suit le quotidien de chacun ou au tribunal ou dans l’appartement et ses environs, à l’abstraction métaphorique, deux versants opposés d’une même médaille politique et intime. Voilà une œuvre animée par un puissant désir de contestation et de sédition, occasionnant quelques lourdeurs démonstratives que rattrapent une interprétation magistrale des comédiens et une mise en scène caméléon, capable de s’adapter à l’évolution du récit.