Adaptation remarquable de l'immense roman de Charles Dickens, Great Expectations se trouve dans la continuité du film précédent de David Lean, Brief Encounter, on y retrouve les grands élans romantiques comme la tragédie cyclique passée entre générations. Le long-métrage trouve d'abord sa puissance visuelle, par les cadres qu'impose le réalisateur britannique, entre panoramiques sidérants de beauté pour filmer la ville, les lacs et mers, et plans rapprochés pour les espaces clos (demeure, appartement).
Il y a ici tout un jeu sur la lumière, abstraction de luminosité que l'on évite (l'intention de Miss Havisham) ou que l'on recherche (Pip) : c'est la forme qui rejoint le propos, là où Estella sera formée à détruire l'amour qu'on lui donne, Pip ne cesse d'entreprendre la quête du succès professionnel, économique et sentimental. Aux grandes espérances les grandes déchéances, tant le rapport de subordination des deux personnages continuera de les tourmenter sur les deux heures de film, par leurs ascendants, soient disparus, soient physiquement présents mais abstraitement dénués de vie. Il ne faut pourtant que d'un petit geste, pour libérer l'immensité des espoirs convoqués par la lumière extérieure, d'où naquit la filiation (la figure du père) et l'amour.
Les acteurs trouveront leur force indéniable, qu'il s'agisse du charme d'un couple inespéré (John Mills et Valerie Hobson) jusqu'au grand Alec Guinness, c'est une grande fresque romanesque, qui est un succès par ses acteurs. Réussissant parfaitement la jonction narrative des sous-intrigues telles que décrites dans le roman originel, David Lean livrait l'une des plus belles adaptations d'un roman de Charles Dickens. Et cela n'était que le début, puisqu'Oliver Twist allait germer deux ans plus tard...