Le sujet et l'univers des grands chevaliers d'industrie et de la presse n'avaient rien au départ pour m'attirer, mais quand on voit ce casting prestigieux de valeurs sûres de l'écran et du théâtre, il est difficile de résister. Et justement, je crois bien que c'est le travail des acteurs qui m'a permis de m'intéresser à ce film qui se révèle passionnant dans son domaine.
Le sujet du roman de Maurice Druon se déroulait après la guerre de 14-18 ; l'adaptation du réalisateur et de Michel Audiard condense non seulement l'action mais surtout la transpose dans le Paris de la fin des années 50. Le résultat donne un film très grand public qui fut à sa sortie l'un des plus grands succès de l'année.
Comme je le disais, tout repose sur les acteurs, et on a l'impression que c'est un prétexte pour faire s'affronter les 2 monstres sacrés Jean Gabin et Pierre Brasseur, qui se retrouvaient bien longtemps après Quai des brumes ; leurs scènes d'affrontements, dont une grande scène dans le bureau de Gabin, sont de véritables empoignades verbales et un véritable régal, enjolivées par les dialogues subtils, tranchants et parfois féroces d'Audiard, on sent la grande aisance de ces grands comédiens, ça fait plaisir à voir. Leur combat est celui de 2 conceptions des affaires, celles du pouvoir de l'argent, mais aussi celles de 2 caractères et 2 mentalités très opposées : Gabin représente le grand patron puissant et noble mais rigide et sans fantaisie, Brasseur étant aussi riche que lui mais un noceur invétéré, la brebis galeuse de la famille, le cousin Maublanc qui fait tâche ; on sent constamment ces valeurs opposées dans leurs échanges.
Mais il ne faut pas réduire le film à ce face à face si brillant soit-il, le reste de la distribution étant de grande valeur avec des gens comme Blier, Desailly, Louis Seigner, Aimé Clariond, Jacques Monod... et même les rôles féminins comme ceux de Françoise Christophe ou Annie Ducaux, qui peuvent sembler un peu effacés dans ce film d'hommes, elles assument leurs rôles discrets de personnages de femmes avec éclat.
Un grand film d'atmosphère sur une certaine classe sociale comme il y en avait dans cette France des années 50, très honnêtement réalisé par l'excellent artisan Denys de La Patellière, on ne voit plus ce type de drames de nos jours à l'écran, il faut donc le savourer.