Je n’ai jamais lu la saga prix Goncourt de Druon qui donne au film son matériau d’origine, j’avoue, je sais juste qu’on passe ici de l’après première guerre à l’après seconde et que le résultat est particulièrement réjouissant.


Il faudra bien que je hurle un jour ma tendresse pour Denys de La Patellière, je le trouve tout particulièrement à l’aise avec la prose d’Audiard qu’il sait toujours cantonner dans un cadre plus élégant et plus solide qu’à son ordinaire, Saint-Cyr combiné à la gouaille du prolo, le tout dans une atmosphère forcément un peu désenchantée, la quintessence de l’esprit français…


Gros succès en 1958 à sa sortie et lors de ses multiples rediffusions, le film semble aujourd’hui atteint injustement par la limite d’âge comme le général trois étoiles du film, probablement ignoré complètement par la nouvelle génération et oublié par l’ancienne, hélas…


Et pourtant il y a une telle modernité presque cynique dans cette histoire qu’on se croirait parfais dans une de ces multiples séries à la mode qui détricotent les méandres de la vie politique ou autre avec un succès toujours renouvelé tant certaines sujets restent immuables.


C’est l’histoire de Gabin, le seigneur et maître d’une de ces grandes familles qui font l’honneur de la France, de l’Eglise et de la Patrie en leur vendant du sucre, des mines, des emprunts et des journaux aux ordres… de retour du F.M.I. il se rend compte que son merdouilleux de fils (Jean Desailly) qui n’a jamais rien eu à faire de ses dix doigts tend à prendre son envol en oubliant au passage le respect filial et la reconnaissance du ventre. En même temps, le cousin décadent de la famille (Pierre Brasseur, immense) veut se venger du dédain de sa famille grand-bourgeoise, une chaise d’académicien est à pourvoir et la cousine pauvre vient de se faire engrosser… Même avec l’aide fidèle et intéressée de ce bon Bernard Blier, pas facile de faire face aux responsabilités de chef de clan…


Il y a toujours quelque chose de profondément jubilatoire dans les vengeances à dix-huit bandes exécutées de main de maître par un homme plus intelligent que ses suivants aux dents longues. Ici, Jean Gabin se révèle parfaitement impérial, roc colossal suant le pouvoir mais que ses pieds d’argiles peuvent rendre pathétique comme le dernier de ses laquais anonymes.


On regrette parfois un peu qu’un personnage aussi savoureux que le cousin dégénéré finisse par friser le monstrueux, mais après tout, c’est dans la logique des choses, le film est aussi cruel qu’il est drôle, le prix à payer pour.

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le 9 mai 2014

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Torpenn

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