Sur un roman de José Giovanni qu'il a transformé en scénario, d'après un projet voulu par Lino Ventura, Robert Enrico signe un bon film d'amitié virile et de bons voyous, en évitant habilement les écueils du mélodramme généreux, de la complaisance et du film d'action pure en racontant la belle histoire d'un homme libre et entêté autour d'une scierie vosgienne qui embauche des gars solides sortis de prison, face à un ignoble concurrent.
On se retrouve au coeur des Vosges captées par de belles images pour une sorte de polar sylvestre, mais qui n'en a que l'apparence, car il s'agit surtout d'un drame social où des bûcherons d'occasion profitent de l'air pur mais savent aussi jouer des poings. Plusieurs histoires d'honneur et de vengeance s'enchaînent et s'imbriquent dans un ton dramatique agrémenté d'humour et de bonnes bagarres.
Point de discours moral apparent avec une kyrielle d'éléments pesants comme la rédemption par le travail, le triomphe de la volonté ou les bienfaits de l'oxygène, le réalisateur offre un récit riche en péripéties et en bonnes scènes spontanées que l'on regarde avec un réel plaisir. Les acteurs participent beaucoup à cet état d'esprit grâce à des rôles taillés à leur mesure ; Bourvil trouve un rôle profond qui le sort de son registre comique, face à Ventura plus dans son élément ici, mais on apprécie aussi la fraîcheur de Marie Dubois et la truculence de Jess Hahn (avec qui Lino se payait une bagarre homérique dans les Barbouzes) et de Michel Constantin (avec qui Lino fera équipe dans Ne nous fâchons pas tourné la même année). Un bon film d'atmosphère, tourné sur les lieux mêmes près de Gérardmer, du temps où le cinéma français avait encore une légitime qualité.

Créée

le 14 déc. 2020

Critique lue 966 fois

43 j'aime

20 commentaires

Ugly

Écrit par

Critique lue 966 fois

43
20

D'autres avis sur Les Grandes Gueules

Les Grandes Gueules
Grard-Rocher
8

Critique de Les Grandes Gueules par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Hector Valentin revient dans les Vosges car il vient d'hériter d'une scierie suite au décès de son père. Celle-ci est à reconstruire presque entièrement vu son énorme état de délabrement. Afin de...

37 j'aime

11

Les Grandes Gueules
Torpenn
7

La guerre en scierie

Les Grandes gueules confirme ma théorie sur José Giovanni, il est toujours plus intéressant lorsqu’il parle des taulards, qu’il connait bien, que de la pègre, qu’il mythifie toujours un peu...

le 7 mai 2014

24 j'aime

15

Les Grandes Gueules
Jeff-Thibaud
9

Mon ami

J'ai réellement de l'amitié pour certains films. Je les aime avec leurs défauts. Je les connais depuis longtemps. Nous pouvons nous perdre de vue durant quelques années. Mais nos retrouvailles sont...

le 19 déc. 2014

16 j'aime

3

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
Ugly
10

Le western opéra

Les premiers westerns de Sergio Leone furent accueillis avec dédain par la critique, qualifiés de "spaghetti" par les Américains, et le pire c'est qu'ils se révélèrent des triomphes commerciaux...

Par

le 6 avr. 2018

123 j'aime

98

Le Bon, la Brute et le Truand
Ugly
10

"Quand on tire, on raconte pas sa vie"

Grand fan de westerns, j'aime autant le western US et le western spaghetti de Sergio Leone surtout, et celui-ci me tient particulièrement à coeur. Dernier opus de la trilogie des "dollars", c'est...

Par

le 10 juin 2016

98 j'aime

59

Gladiator
Ugly
9

La Rome antique ressuscitée avec brio

On croyait le péplum enterré et désuet, voici l'éblouissante preuve du contraire avec un Ridley Scott inspiré qui renouvelle un genre ayant eu de beaux jours à Hollywood dans le passé. Il utilise les...

Par

le 5 déc. 2016

96 j'aime

45