Delon est Delon. C’est à prendre ou à laisser. Delon ne joue pas, il incarne un personnage, à la façon de Delon. Delon excelle dans le justicier mutique et le séducteur distant. Les rôles de juge lui posent plus de difficulté, en particulier dans le Haut-Doubs. Delon sourit mal, s’exclame à contre temps, mais demeure bel homme. Le temps n’a aucune prise sur Delon. Vous apprendrez incidemment que Delon joue aux cartes. Il gagne presque toujours ses réussites. Une seule fois, il lui arrivé de perdre à trois reprises, signe manifeste que le juge Delon était troublé par son travail.
Les Granges Brulées est un fort plaisant « film du dimanche soir ». Qu’était-ce ? Un long métrage solide, porté par deux stars françaises, au scénario vaguement inspiré d’une ténébreuse affaire (ici l’affaire Dominici), accessible à tous, exempts de violences inutiles et de scènes dénudées et, cerise sur le gâteau, aux accents néo-pétainistes (la terre, elle, ne ment pas).
Une jeune femme est découverte assassinée à quelques centaines de mètres d’une ferme isolée. Delon mène l’enquête qui, très vite, se focalise sur les hommes de l’exploitation agricole : un mari effacé, un aîné costaud, un cadet fragile et intempérant. La mère, magnifique Simone Signoret, est le seul homme de la famille. Elle protège ses fistons, affronte magistrat et policiers, et recueille le soutien du village. Simone est forte ! Delon avoue son admiration pour la pureté (relative) de la vie montagnarde et sa surprise face aux portes ouvertes la nuit aux randonneurs égarés. Avouons que les seconds rôles, le conjoint, le capitaine bourru et la toute fraîche Miou-Miou, jouent juste. Jean Chapot signe sa meilleure réalisation. J’ignore quel crime commit-il pour, malgré le succès de ces Granges, ne plus tourner que d’obscurs téléfilms.
Mention spéciale pour la musique irritante et discordante d’un Jean-Michel Jarre encore inconnu, autre grand orgueilleux.
Petite citation de Delon confronté à un journaliste : « C’est un bien curieux métier de raconter ce que l’on ne sait pas. » Delon ne parle que s’il sait.