Un drame rural en forme de huis-clos glacial dans le Doubs qui évoque « l’affaire Dominici » avec, non plus un patriarche, mais une matriarche en la personne de Simone Signoret. Dans un rôle à la Gabin (dans l’adaptation éponyme du récit judiciaire ou dans La Horse), elle se dresse en protectrice face au juge d’instruction incarné par un Alain Delon qui hésite entre compassion, admiration et goût pour l’affrontement. La confrontation entre les deux vedettes est évidemment, après La Veuve Couderc, au cœur de ce film qui a la bonne intelligence de laisser une place importante aux seconds rôles, tous parfaits, des confirmés Paul Crauchet ou Jean Bouise, aux débutants Miou-Miou ou Bernard Le Coq. Ce parti pris est essentiel car Les Granges brûlées est, avant tout, un film de personnages, une véritable galerie où un juge de la ville tente de percer les secrets de gens de la terre taiseux et valeureux.
Le résultat est plutôt un film d’atmosphère avec le rôle important joué par la neige et le froid qui semblent transir tout le monde durant tout le film. Le prétexte policier implique évidemment une enquête mais la dimension polar ne vient jamais bousculer la dimension sociologique de l’ensemble. Tout sert à éclairer ou à obscurcir les caractères des uns et des autres derrière un jeu de dupes que le juge observe et tente de deviner. On comprend bien que dans cette famille se jouent des drames sans qu’on parvienne à en saisir l’importance et l’écho sur le crime commis aux abords de la ferme où elle vit.
L’ensemble se déroule sur un rythme plutôt lent et dans une atmosphère austère auquel le jeu des acteurs se prête parfaitement. Seule la musique de Jean-Michel Jarre, très belle mais pas toujours en phase avec la mélancolie générale, apporte une touche de modernité qui contraste évidemment avec le style de vie rude de ces ruraux reculés. Il manque quelques éléments marquants pour faire basculer l’ensemble dans le très grand film mais le résultat demeure une belle réussite qui n’a pas pâti d’une double mise en scène, à savoir celle de Jean Chapot et d’Alain Delon lui-même, désireux d’apporter sa touche personnelle.