On connaît Raymond Depardon friand des réactions que sa caméra entraîne sur les gens qu’il filme, comme dans Reporters où les politiques essaient du mieux qu’ils peuvent d’apprivoiser un appareil de communication surpuissant. Dès lors on se demande comment le réalisateur n’a pas lui-même compris que son nouveau documentaire serait contre-productif dans son principe même : filmer des duos dans une caravane, pris au hasard dans des villages ou villes françaises, pour discuter et parler de leurs problèmes respectifs sans la moindre ambiguïté. L’ambition de dépeindre une France dont les médias ne parlent jamais s’annule toute seule quand la caméra agit sur ces personnes qui se donnent pour la majorité en spectacle, joue un rôle lors d’un casting, pour ne jamais revenir. Entre les racistes, les pervers et les alcooliques, quel était le but de Depardon à part de renforcer les clichés des citadins dominants sur la France profonde ? Les gens du Nord sont des drogués et des fans de tuning quand les sudistes sont des accros au sexe qui prennent les femmes pour un objet de plaisir. Sans compromis, Depardon les filme et les laisse exprimer des propos parfois honteux, mais c’était sans compter sur ces interludes d’une caravane qui roule sur les nationales sur un fond de musique campagnarde. Un raté misérabiliste qui ne laisse que peu d’espoir à ses protagonistes de sortir de leur condition.