Evitons , par principe, la notation des gens et de leurs oeuvres. Mais puisqu'on n'a pas le choix ici, c'est 10 pour tout le monde (sauf en musique parce que l'écrémage y est absolument nécessaire, et le foutage de tronche trop répandu)
Lorsque le spectateur paie sa place de cinéma, il passe un contrat avec le réalisateur : voilà mon fric, il se peut que j'aie passé une heure à une activité qui me déplaît foncièrement afin de l'obtenir, alors ne me fais pas regretter ma décision (ce qui sous-entend d'être stimulé sur un plan esthétique, émotionnel et intellectuel). Le dit spectateur peut se dire "Ah, un film qui dure plus de deux heures pour le même prix, ça tombe bien j'aime le massala" - mais il se trompe. On n'est pas en Inde ici. Alors pour peu qu'il doute de se faire rembourser en cas de sortie prématurée, il va se forcer à rester, et regretter de plus en plus ce choix, et persister dans son erreur dans l'espoir de plus en plus fou d'être détrompé. Il est tombé dans le piège. Prisonnier de la temporalité gastéropodesque de l'auteur ès film, engourdi, s'il est incapable de s'endormir ailleurs que dans son lit et dans le noir complet, il va devoir fournir un effort de volonté impérieux pour échapper à la torpeur malsaine dans laquelle il s'est laissé enliser. Il va s'efforcer de faire abstraction des râleurs dont il bouchera la vue en se levant, interrompant pour quelques secondes la contemplation d'un plan fixe de 10 minutes.
Et s'il lui reste de la force, il va se dire qu'il aurait dû se renseigner un peu mieux avant de venir, et qu'il ne doit pas rejeter en bloc tous les films sortis de l'est de l'Europe, malgré les quelques expériences malheureuses qu'il a peut-être déjà faites en regardant distraitement la chaîne Arte. Et il fera l'effort de se rendre à sa médiathèque, de soumettre la personne concernée à un interrogatoire en règle, et si elle connaît son boulot, et n'est pas juste une snobinarde, elle lui suggèrera plutôt de s'orienter vers le cinéma des années 60, il aura déjà plus de chances d'y trouver des comédies, ou des films socialement pertinents sans être plombants, ou des merveilles surréalistes, ou des contes, ou de la science fiction pour adultes/pour enfants, ou n'importe quoi de mieux que ces choses déprimantes (il y a toujours les exceptions qui confirment la règle) qui inondent les festivals depuis des années.