J'ai publié cette chronique initialement sur http://enlightenerds.com
Les Harmonies Werckmeister ( Werckmeister harmóniák en VO), sorti en 2001 est le neuvième long métrage de Béla Tarr, qui a d’ailleurs récemment déclaré arrêter le cinéma après sont dernier film Le Cheval de Turin (primé d’un ours d’argent à Berlin ) sorti en 2011, que je n’ai pas encore vu mais que je vais m’empresser de regarder. Visuellement ce film en noir et blanc très contrasté semble tout droit sorti des années 60, et n’aurait pas juré dans la filmographie d’Ingmar Bergman. Cet aspect « néo-rétro » ( qui pour le coup est peut-être lié aussi aux moyens de production peu développés en Hongrie, que Tarr évoque comme une des raisons de son abandon de la réalisation ) n’a pas été sans me rappeler l’excellent Tabou ( en VO Tabu ) de Miguel Gomes.
Niveau réalisation, ceux qui sont allergiques aux films lents ( et dont je fais souvent partie, comme quoi… ) seront prévenus : ici tout va très très très lentement. Le film dure 2h25 et est composé majoritairement d’une trentaine de plans séquences, certains durant presque dix minutes ! Et là où le plan séquence long peut quand même servir un rythme effrené, comme dans Birdman, ici Tarr n’hésite pas à laisser tourne la caméra pour filmer deux personnes marchant sans parler pendant deux minutes, ou une cargaison traverser une rue la nuit avec un magnifique jeu de lumière pendant trois minutes. Loin d’être toujours ennuyeux, ce rythme créé plus souvent une sensation d’hypnose ( les plans sont par ailleurs souvent magnifiques d’un point de vue photo ) qui nous fait perdre toute notion du temps. Certains plans de deux minutes en paraissent dix, et vice versa. Les repères temporels habituels sont totalement absents. La notion du temps devient secondaire.
Du fait de ce travail en plans-séquences très longs, le déroulement du film est finalement assez linéaire et direct, déroulant sous nos yeux les étapes simples d’une révolution s’emparant d’un bourg de campagne, économiquement ruiné, perdu dans la Hongrie profonde, avec la participation de personnages intrigants. Pas de jeu d’acteur tonitruant, une musique qui se fait rare mais fait d’autant plus mouche, on est face à un film qui prend le pari du dépouillé, d’une poésie simple. Et de ce point de vue, rien que le premier plan mettant en scène des poivrots fins saouls reproduisant la danse du système solaire sous la baguette du personnage principal à la fermeture du bar local vaut le coup d’oeil.
Un film à ne pas lancer si vous êtes déjà morts de fatigue par contre, sous peine comme moi de devoir le visionner en plusieurs fois ????