Entre saccage et contemplation, l’homme s’abandonne à l’épiphanie d’un monde en déréliction. Une bouleversante phénoménologie du chaos.
Les harmonies Werckmeister est une impressionnante fable philosophique et humaniste qui bouscule les certitudes, émeut profondément. La mise en scène qui dilate le temps est très chorégraphiée avec ces plans séquences contemplatifs et ces mouvements minimalistes dans un noir et blanc éblouissant et expressionniste . « Quand on laisse les choses se passer, on se donne le temps de les observer » , dit Béla Tarr. J’ai été touchée par ce désespoir qui en ressort aussi, dans cette ville froide, grise, ruinée, ces lieux envahis par la saleté , par ce face à face entre l’humanisme des uns ( ce jeune homme un peu naïf , profondément idéaliste dans sa vision du monde , plein d’humanité avec sa tête dans les étoiles) et la noirceur , la violence des autres (je pense à quelques scènes particulièrement ) On cherche le sens de l’expérience à travers ses yeux ( cette phénoménologie mélancolique du chaos)
Le film questionne aussi la notion d’exigence chez l’artiste, dans l’art et donc le cinéma. Une quête de l’accord parfait qui illustre celui du cinéaste . Cette exigence se heurte au chaos d’un monde qui se désagrège face à la violence, la déchéance ( ici le malaise d’un bloc de l’Est en proie à la désagrégation morale.)