Sublime scène d'ouverture où la valse céleste du soleil, de la terre et de la lune est incarnée par des paysans ivres, patauds et groguis.
Le film est ainsi constellé de rares mais précieux moments de pure poésie, de grâce et de flottement extraits d'une âpreté tellurique et poisseuse et soutenus par une musique légère et lancinante.
Ce grand écart entre la quête candide d'un absolu et la pesanteur toute terrestre de la vie et de ses zones obscures caractérise "Les Harmonies Werckmeister". De la provient sans doute le titre. Chez les grecs anciens et chez les médiévaux, la musique et la voute céleste étaient intrinsèquement liés et nombreux sont ceux ayant tenté d'atteindre la perfection de la musique des sphères enchaînés à leurs instruments tangibles.
Béla Tarr revisite aussi le mythe de Jonas et le postier Jànos - qui a épinglé une carte de la voie lactée au-dessus de son chevet - est aspiré, inspiré par une baleine empaillée, monstre de foire saugrenu, preuve de la force créative de Dieu et que lui seul semble voir quand la ville est toute entière intéressée par le Prince, ombre difforme et naine. Recraché, Jànos devient prophète de la destruction de la Ninive hongroise et témoin traumatisé d'une brutalité absurde.
Esthétiquement, le film est somptueux, distillant de nombreux et longs plans séquences tanguant à hauteur d'épaule, allant et venant, accompagnant les longues marches des personnages. Les Harmonies Weckmeister est une pièce envoûtante, étrange et mystérieuse, teintée d'une douce mélancolie en noir & blanc.