Régulièrement mise en lumière par les programmes scolaires ou les nombreuses adaptations cinématographiques (onze en tout), l'histoire d'amour impossible entre Heathcliff, jeune gitan recueilli par Mr Earnshaw, et Catherine, fille de son bienfaiteur, est connue de tous. Souvent transformée en mélodrame larmoyant, elle emprunte une voie radicalement différente, proche du matériau original d'Emily Brontë grâce à Andrea Arnold.
Superbement photographié et éclairé, Wuthering Heights a l'évidence immédiate du coup de foudre, de la beauté et du lyrisme débarrassés de la mièvrerie. Là où Cary Fukunaga entraînait sa Jane Eyre dans un manoir gothique, la réalisatrice de Fish Tank et de Red Road (deux Prix du Jury remarqués à Cannes) nous convie à un cinéma vidé de ses chichis (aucune musique, exceptée la magnifique chanson de Mumford & Sons, The Enemy), affranchi de ses concessions.
En s'émancipant du roman (faire d'Heathcliff un Afro-américain), elle questionne le racisme dans les rapports de classe et se concentre sur l'essentiel : les tourments inavouables d'un homme partagé entre une passion dévastatrice et une soif de vengeance, une pulsion de mort insoutenables. Cette violence des sentiments s'exprime dans une mise en scène sensorielle, emportée par le bruit du vent, la pluie glissant sur un visage, la boue dont on se couvre, la sensualité des effleurements entre les deux protagonistes.
Jamais Cathy et Heathcliff (respectivement joués par quatre brillants inconnus) ne s'uniront charnellement, si bien que les moindres regards jetés et gestes esquissés se chargent d'un érotisme latent, celui racontant le désir brûlant les vies de deux âmes sœurs incapables de se réunir. Respirer une chevelure offerte à la brise, caresser les vêtements de l'autre, soigner des blessures ensanglantées, chaque mouvement rassemble, avec sensibilité, ces enfants d'hier jusqu'aux étreintes finales, sublimes et libératrices pour nous comme pour eux.