Samet (Deniz Celiloglu) est enseignant de dessin dans une école de Varto petite ville de la province de Muş en Anatolie orientale, pas loin d'Erzurum, région où les kurdes ont remplacé les arméniens après le génocide et région rude, surtout l'hiver. Il vit avec l'un de ses collègues Kenan (Musab Ekici). On observe les relations de Samet avec ses élèves et notamment avec une jeune fille Sevim (Ece Bağcı). En effet, il semble particulièrement proche d'elle. Il parle avec elle seul dans son bureau, ou dans les couloirs et lui offre un cadeau en revenant de vacances, lui disant de ne pas le dire autour d'elle. Le spectateur s'interroge sur la raison de cette relation privilégiée. Un peu plus tard, l'un des élèves, masculin accuse le professeur de faire de la discrimination car il interroge toujours les filles. L'enseignant s'énerve. Plus tard, lors de l'inspection des sacs de la classe, la professeure trouve le cadeau fait par Samet à Sevim (une boite de maquillage) et aussi un mot qui tombe d'un cahier. C'est une lettre d'amour, et la professeure le prend. Plus tard, Samet qui est le professeur principal rend la boite de maquillage à Sevim en lui disant de ne plus l'amener à l'école, mais lit en secret la lettre d'amour et refuse de la lui donner. On ne saura jamais si elle est adressée à l'un de ses petits camarades ou à son professeur. Car il se pourrait que la jeune fille soit amoureuse de son professeur. Le réalisateur reste volontairement ambigu sur le sujet. Quoi qu'il en soit, Sevim est très fâchée que Samet ne lui rende pas sa lettre.
Plus tard, un surveillant informe Samet et son collègue qu'ils sont convoqués chez le recteur. Ils apprennent que cela vient du directeur qui les a dénoncés au recteur et ne leur a pas annoncé la nouvelle lui-même. Les deux professeurs ont en effet été accusés par certains élèves de comportements déplacés avec les élèves. Les deux professeurs nient les faits et ne sont pas inquiétés. Si le collègue prend les choses calmement, Samet est inquiet. Il a peur que certains parents, dans une région kurde aux traditions tribales encore très ancrées et aux règlements de comptes fréquents tentent d'attenter à sa vie. Cela renforce son idée de quitter la région et d'être muté à Istanbul. Enfin, les deux colocataires et collègues rencontrent une jeune femme Nuray (Merve Dizdar) enseignante dans une ville voisine qui a été victime d'une explosion lors d'un attentat terroriste et a perdu une partie de sa jambe la condamnant à porter une prothèse. Cette dernière ne s'est pas laissée abattre par la situation et désire apprendre à conduire. Kenan lui apprendra, et elle se retrouvera finalement à être courtisée les deux hommes.
Le scénario des Herbes sèches (Kuru Otlar Üstüne), 9è long métrage du réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan, reste somme toute assez simple, comme c'est souvent le cas chez Ceylan, mais peut-être un peu plus construit que les précédents. Au niveau des thèmes on retrouve d'abord celui de l'opposition entre la vie dans une grande ville et la Turquie rurale qu'on trouvait déjà dans Uzak, dans le Poirier sauvage ou dans Nuages de mai, souvent avec le retour ou la visite de quelqu'un ayant vécu dans une grande ville (souvent Istanbul) ou voulant y vivre confronté à sa famille et aux personnes d'une ville "perdue" d'Anatolie. L’ambiguïté avec laquelle est montré la relation de l'enseignant à son élève est intéressante car elle dépasse les oppositions morales classiques sans vouloir en dire trop. Le désir des deux hommes pour la femme estropiée est aussi quelque chose qui sort des sentiers battus. Bien sûr on reste dans un film de Ceylan donc sur les 3h17 on assistera à de longues et laborieuses conversations entre les protagonistes pas toujours très intéressantes et avec beaucoup d'affrontements verbaux comme souvent avec lui. Notamment entre le vieux Vahit (Yüksel Aksu) plus réaliste et le jeune Tolga plus idéaliste, qui rappelle l'affrontement entre le mari et sa femme dans Winter Sleep. Une autre conversation assez longue a lieu entre Samet et Nuray. Commençant poliment, elle se dirige vers l'affrontement avant que cet affrontement ne se dissipe. Quand, à la fin du film Samet essaie de communiquer avec Sevim, on assiste de manière intéressante à une absence de communication : la jeune femme ne veut ou ne peut pas lui dire ce qu'elle voudrait peut-être lui dire. Enfin, dans l'épilogue, le professeur s'interroge lors d'une visite touristique sur le site archéologique du Mont Nemrut non loin de la ville d'Adıyaman, sur la possibilité du bonheur, ce qui rappelle clairement Les Climats. Un film fait de lourdeurs et de subtilité, de moments de grâce et de maladresses. Du Ceylan quoi !
Vraie note : 15/20