Voir un film de Nuri Bilge Ceylan, c’est accepter, durant 3 heures de partir, très loin, bien souvent sur les plateaux d’Anatolie, pour vivre quelques moments de l’existence des personnages ordinaires et accepter au final que certaines choses vous échappent.
Avec Les herbes sèches le réalisateur turc nous conduit dans un village, en plein hiver, à la rencontre d’un professeur de dessin, de ses collègues et de ses élèves. Un professeur, désabusé, lassé de vivre dans ce coin paumé et qui rêve d’une mutation à Istambul.
Durant 3h17, nous voilà donc embarqués dans un récit fleuve, ponctué de longues scènes dialoguées et de séquences où il ne se passe pas grand-chose en apparence. Dit comme ça, le film pourrait donner envie de fuir, mais sait qu’avec Nuri Bilge Ceylan les choses sont bien plus subtiles et profondes qu’elles n’en ont l’air en apparence et que ses histoires sont souvent l’occasion de soulever quelques questions philosophiques.
Car derrière la rudesse de la vie et les êtres bourrus ou cyniques que le film nous montre, se cache parfois la lumière, représentée ici par Nuray (l’actrice Merve Dizdar, prix l’interprétation féminine à Cannes). Elle incarne une professeure, fortement engagée à gauche, amputée d’une jambe suite à un accident, et qui cherche à se reconstruire à travers des rencontres amicales ou amoureuses.
Mais pas question pour autant de légèreté dans ce film très sérieux de bout en bout, où les personnages devisent sans cesse sur la vie, l’avenir, le passé, sur les autres, avec, en fond, les questions du bien du mal, de l’individualisme et du collectivisme.
On pourra regretter toutefois que le film reste assez nébuleux, avec un récit découpé à l’extrême, se révélant parfois frustrant, et qui s’attache avant tout à dresser le portrait de personnages complexes, parfois au détriment de l’histoire.
Reste, comme toujours, les superbes images du réalisateur, que ce soit à travers ses plans séquence ou ses photos d’autochtones prises par le personnage principal du film... et aussi le souvenir d'une scène étonnante, d'un décrochage fictionnel momentané, presque surréaliste, et qui interroge longtemps après le film quant aux raisons de ce choix.
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